Sacha est revenue s'asseoir à côté de moi, les joues en feu et le souffle court.

— Tu crois que j'étais pas mal ?

— Tu étais splendide, Sacha.

Elle a levé les yeux au ciel.

— Sérieusement, ai-je ajouté. N'en doute pas une seconde.

Un petit sourire s'est glissé sur ses lèvres.

— Merci.

J'ai glissé ma main dans la sienne avec la même aisance qu'à l'habitude. Sacha et moi avions tenté de ralentir un peu notre relation. Il fallait peser sur le frein. Enfin, c'était ce qu'on s'était dit. Mais nos résolutions avaient bien vite planté. Certes dans les premiers temps, j'avais cherché à prendre un peu mes distances. Pas par méchanceté ou parce que j'avais peur, mais parce que c'était devenu trop. Puis, la décision de mes parents de me supporter dans mes projets avaient réussi à amortir le tout. En vérité, on ne savait pas où la pédale de frein se trouvait et comment il fallait faire pour l'enclencher. Et peut-être qu'au fond, on ne le voulait pas vraiment.

Ils ont finalement appelé mon nom. Je me suis levé, tout tremblant. Sacha m'a pressé la main. Ça m'a donné un peu de courage. Je suis monté sur la scène et j'ai échangé une poignée de main avec tout ceux que je rencontrais, sans trop voir leur visage. Tout s'est passé tellement vite. Ai-je serré la main du directeur en premier ou celle du jeune homme de l'administration ? Aucune idée.

Mes parents ont été ceux qui ont applaudi le plus fort. Ils étaient tous les deux très fiers. Ma soeur Candice a même hurlé, arrachant quelques coups d'oeil aux inconnus qui l'entouraient. J'ai attrapé mon diplôme et je suis descendu du podium. Et aussi simplement que ça, j'ai gradué.

Comme le générique d'un film, la dame au micro n'a pas cessé d'énumérer des noms. Elle continuait à un rythme fou. Je suis passé aussi vite que le nom d'un figurant dans une méga production américaine. Mais ça m'était bien égal.

En nous voyant tous monter sur la scène, je me suis dit qu'on n'était pas tous très différent les uns des autres : on avait la peur au ventre qui se mélangeait à l'excitation du moment. Il n'y avait plus de « moi » et de « eux ». Il n'y avait que « nous », finissants, jeunes adultes venant d'empocher leur diplôme de la Senior High School. On ne faisait qu'un, même si on ne se parlait pas, même si on ne se regardait pas vraiment. Mais on partageait le même moment, la même émotion et c'était suffisant. Plus je voyais le visage des gens que j'avais côtoyés pendant plusieurs années, plus je commençais à accepter l'idée que j'étais en train de graduer. Je me suis même penché pour le murmurer à l'oreille de Sacha.

— On est en train de graduer, bordel ! Tu le réalises ?

Elle a simplement ri.

J'ai regardé Olivia, Lawrence, Alison et Carter monter sur la scène à tour de rôle. Je me suis soudainement senti un peu mal, parce que ce moment, on avait prévu de le passer tous ensemble. Et ce qui m'attristait le plus c'était qu'il semblait tous aussi heureux et effrayé de graduer que moi. Il n'y avait qu'à voir le sourire que Lawrence affichait en ayant son diplôme d'études entre les mains. Il allait enfin pouvoir draguer des étudiantes sans avoir à prétendre qu'il était lui-même un étudiant. Ce qui me poussait à être triste c'était que je n'avais personne mis à part Sacha avec qui partager ma joie. N'allez pas croire que ma copine n'était pas de bonne compagnie, tout le contraire. Mais ça n'avait rien à voir avec Lawrence, Ali, Carter ou même Olivia. Eux, je les connaissais depuis des années. Je me souviendrais toujours de nos longues conversations au sujet de l'avenir alors que nous n'avions que quatorze ans. Où serions-nous ? Si tôt, nos avions déjà partager nos plus grandes inquiétudes. Que des gamins, oui. Mais des gamins avec de grandes préoccupations.

La théorie des cactusWhere stories live. Discover now