Chapitre 17: Prince malheureux

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Je ne veux pas retourner dans ma chambre, ou plutôt celle que je partage avec Ode. Je ne veux pas travailler comme une esclave non plus, je ne suis pas faite pour le travail domestique et je ne le serai jamais. C'est fou comme je ne m'étais pas rendu compte à quel point j'avais des mains douces jusqu'à ce que je les use avec le bois des brosses qui me blesse et l'eau froide qui m'engourdit les doigts au point que ça en fasse mal. Non, je ne veux pas de cette vie.

Je n'arrive pas à arrêter de me plaindre, je ne peux pas faire autrement tellement ma situation m'énerve, moi, servante ! En une semaine, je n'ai pas pu me faire à l'idée et jamais je ne le ferai. J'ai passé mes jours à obéir et à courir à gauche et à droite pour satisfaire les ordres de tout le monde, je ne me reconnais plus. Pourquoi j'agis comme ça ? Pourquoi tout à coup, je suis devenu aussi obéissante qu'un agneau ?! Ses derniers évènements m'ont chamboulé, ce n'est pas rien de se retrouver des centaines d'années en arrière et je crois bien que ça m'a affecté plus fort que je ne veux le croire. Je ne connais rien ici, je n'ai aucun droit, aucune possibilité et ça m'angoisse. Je maudis cette gothique, je maudis ses juges de l'âme, je maudis tout le monde ! Je n'ai pas cessé de me prendre la tête avec cette histoire, il faut absolument que je rentre chez moi, je ne peux pas rester ici. J'ai vraiment un mauvais présentiment, je veux voir Mariana. Pourquoi a-t-elle disparue subitement ? Il faut que je la retrouve, j'ai cette impression qu'elle pourrait peut-être m'aider, qu'elle pourrait peut-être savoir quoi faire. J'ai beau y réfléchir et me sermonner mentalement : comment pourrait-elle m'aider ? Elle vient aussi d'ici, elle me pendrait pour une folle. Mais rien y fait. Et si elle pouvait réellement faire quelque chose ? Et si quelqu'un ici venait aussi de mon époque ? Comment pourrais-je la reconnaître ?

Inutile de se prendre la tête plus longtemps, le plus important c'est d'agir et pour pouvoir agir, il faut absolument que je me sorte de cette condition de servante qui m'empêche de faire ce que je veux et d'aller ou bon me semble. Léon est enfin rentré, il m'a bien envoyé valser là tantôt, mais je ne me laisserai pas faire, la prochaine fois que je le vois, je l'assommerai si c'est la seule manière pour qu'il m'écoute. Tiens ! Voilà ce que je vais faire, je l'attendrai ici et rien ni personne ne pourra m'empêcher d'avoir une discussion avec lui.

Je regarde autour de moi, quelques feuilles mortes commencent à tomber, je suppose qu'on doit être en automne et une réflexion des plus désagréable me fait grimacer : j'ai un toit sur la tête, certes, mais je fais comment moi en hivers ? Ils n'ont même pas de chauffage et je doute que le roi ou ne serait-ce que le moindre des petits nobles habitant au palais ne voudra partager sa cheminée avec moi. Je n'aime pas l'hiver, je suis frileuse et à vrai dire, l'été est bien plus beau, non ? Balayant cette idée d'un revers de la main, je me dirige vers la chapelle pour pouvoir m'asseoir sur les rebords du mur, plus loin des escaliers de telle sorte à pouvoir voir qui sort, mais qu'on ne puisse pas m'apercevoir du premier coup, j'éviterai ainsi de croiser Catherine et devoir retourner travailler. Je me félicite mentalement de mon génie.

Mais si j'ai bien une chose qui me manque cruellement, c'est la patience, je n'en ai jamais eu. Alors pour évacuer la mauvaise humeur qui commence à me titiller les nerfs, je tapote du pied, appuyée contre le mur, les bras croisés et souffle bruyamment en fermant les yeux. Un légé vent plus froid que les autres vient s'infiltrer sous la robe, le faisant frissonner. Passant une mains dans mes cheveux rebelles, j'essaye de les dompter, après la course poursuite avec le garde, je dois vraiment ressembler à une serpillière rousse. Voilà sûrement pourquoi Léon a fait une drôle de tête en me voyant, il ne devait pas avoir eu une très belle vision de moi. Ma tête se pose sur le mur derrière moi et je garde les yeux toujours fermés pour profiter du vent afin de me calmer.

Calme-toi, il va bientôt revenir et tu le coinceras. Il ne pourra plus m'échapper.

Alors que je rumine dans mon coin à l'ombre des regards, quelque chose viens taper violemment contre mon pied, ce qui me fait sursauter. Je lâche un cri de surprise mêlé de douleur.

Pour Sa MajestéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant