Chapitre 19: Vengeance épicée (partie 1)

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− C'est une mauvaise idée, m'interrompe une voix féminine.

Oh, mais qui voilà ? Elle qui refuse de m'adresser la parole depuis que je l'ai vexée, c'est d'elle-même qu'elle vient me voir maintenant ?!

Je marmonne de mécontentement.

− Et alors !

Ode s'approche lentement de moi, ses pas sont si légers, pas étonnant que je n'ai remarqué sa présence qu'à l'instant. Pourtant, je ne me détourne pas de mon but premier. Depuis que Léon m'a sermonné, j'ai vraiment essayé de me rattraper, mais à chaque fois que je veux bien faire en cuisine, cette mégère d'Agathe me mets des bâtons dans les roues, à croire que m'énerver est devenu son seul but dans la vie. Depuis le jour où je l'ai menacé dans la cuisine, avant que Catherine ne me face la morale, elle me porte une haine démesurée, que je lui rends bien. Si je peux faire en sorte de la faire sortir de ses gonds sans que Catherine, et par conséquent Léon, ne sachent rien, je ne m'y priverai absolument pas.

− Elle n'aura que ce qu'elle mérite ! Je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce.

Accroupis dans l'ombre au coin de la porte, j'espionne les allées et venues de tous ceux qui passent par la cuisine, guettant en même temps les mouvements de ma proie. Certaines personnes me lancent parfois des regards intrigués, mais retournent aussitôt à leurs tâches, ils n'ont pas de temps à me consacrer, il y a une grande agitation aujourd'hui.

Au début, je m'étais résolue à laisser Agathe de côté, l'ignorer était la meilleure chose à faire, surtout qu'elle prend un malin plaisir à aller me cafter à Catherine au moindre prétexte. Mais plus les jours passaient et plus son comportement puéril commençait à me sortir par tous les trous. Cette mégère m'humilie, elle fait exprès de me donner de fausses indications pour pouvoir me punir ou me hurler dessus et elle se débrouille toujours pour avoir un public comme témoin. C'est une lâche, pas fichue de m'affronter en face. Mais aujourd'hui est un grand jour, car j'ai décidé de mettre en exécution une vengeance que j'ai en tête depuis le moment où j'ai découvert l'une de ses plus grandes faiblesses.

− Si elle le découvre...

− Elle ne le découvrira pas, elle est trop occupée à faire les yeux doux au cuisinier pour ça, ricané-je, en lui désignant la vieille femme du menton.

Soudain, une main vient se poser sur mon épaule et je quitte des yeux un instant l'un des deux chaudrons présent dans la pièce - mon objectif final - où la soupe d'Agathe est en train de bouillir, pour regarder Ode froncer les sourcils.

− Tu vas avoir de gros ennuis, elle se doutera bien que c'est toi qui as mis tous ces piments dans sa soupe.

Dégageant sa main, je me relève pour me cacher derrière la porte en tirant Ode avec moi alors que mon ennemie s'approche du feu pour ajouter dans son plat les deux dernières carottes qu'elle vient de couper en rondelles. Maintenant, tout ce que j'ai à faire, c'est attendre qu'elle quitte la pièce et en profiter pour m'approcher discrètement, verser toutes les piments forts que j'ai pu acheter et admirer la suite des événements.

Il y a deux jours, j'ai surpris quelques servantes se plaindre d'Agathe, elle n'est pas vraiment très aimée des autres non plus à ce que j'ai pu constater vu le nombre de personnes qui l'évite au possible ou qui changent de couloirs dès qu'elle apparaît sur leur route. Les servantes parlaient de ce qu'elle ne supporte pas, notamment de tout aliments piquant qui lui remplissent le visage d'horribles plaquettes blanches. C'est sûr qu'avec ça sur la figure, la sorcière ne se montrera plus pendant quelques temps, de quoi me donner une pause bien méritée. Tout ça pour dire qu'espionner la conversation m'a été très bénéfique. J'ai profité qu'on m'ait envoyé au marché avec quatre autres filles pour me procurer mes petits bijoux. Bijoux qui m'ont coûtés vachement cher d'ailleurs. À un moment donné, j'ai même pensé à renoncer à ma vengeance en apercevant Léon quitter la cour du palais hier à l'aube, mais après le sale coup qu'elle m'a fait ce matin, j'ai laissé ma soudaine gentillesse de côté. Cette vieille harpie prend un malin plaisir à me traiter comme une merde, à salir la vaisselle que je viens de nettoyer et ne cesse de me dégrader.

Pour Sa MajestéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant