— Ça, c'est toi.

Un Logan joufflu et certainement plus jeune que moi d'une quinzaine d'années était la raison de son rire incessant.

— Tu étais un bébé dodu.

J'ai levé les yeux au ciel et me suis empressé de cacher la photo, alors qu'elle se marrait toute seule.

— Tu t'es déjà déguisé en tigre ? a-t-elle demandé en pointant un autre cliché.

— J'avais cinq ans et ma grand-mère avait insisté pour me confectionner un costume.

— Elle était douée.

J'ai secoué la tête.

— Pas vraiment, ai-je rétorqué. Mais c'est l'intention qui compte, pas vrai ?

Elle a souri et m'a désigné une photo prise le jour de Noël.

— J'imagine que ce sont tes soeurs ?

— Harper est à droite et Candice, à gauche.

Ce cliché pris devant le sapin nous avait demandé des minutes et des minutes de concentration. Mon père avait acheté une nouvelle caméra photo à ma mère et ni l'un ni l'autre ne savaient comment s'en servir exactement. Pour nous faire patienter un peu, nos parents nous avaient demandé de jouer à un jeu. En y repensant bien aujourd'hui, c'était le jeu le plus ennuyant de la terre, mais pour des gamins, c'était l'extase total. Les règles étaient simples : il fallait rester immobile, sinon on perdait. Inconsciemment, ma mère avait inventé l'ancêtre du mannequin challenge.

— Qui est-ce ? m'a demandé Sacha.

C'était une photo dont j'avais complètement oublié l'existence. Moi, gamin, avec une Olivia au visage barbouillé de crayons feutres.

— Ce n'est personne.

J'ai évité de rencontrer le regard de Sacha. Les émotions m'ont submergé, le coeur lourd de chagrin. L'amitié qu'Olivia et moi avions partagé remontait à bien plus longtemps que ce qu'on pourrait croire. Nos mère étaient amies avant même que nous naissions. Elles étaient enceintes toutes les deux et allaient au spa. Sans trop le savoir, Olivia et moi étions déjà prédestinés à être potes. Nos mères nous forçait à jouer dans le carré de sable plus jeune, mais au fil du temps, ça n'avait plus rien à voir avec une obligation. On se liait d'amitié tout seul, sans nos mères pour nous imposer quoi que ce soit.

Sacha étant Sacha, elle n'a pas lâché le morceau aussi facilement.

— Arrête, Logan. Je ne te crois pas une seule seconde.

Elle m'a forcé à la regarder.

— Qui est cette fille ?

— Olivia, ai-je admis.

Ma copine n'a rien dit pendant un moment.

— Tu devrais aller lui parler.

— Non ! Pas question.

— Pourquoi pas ? Je le vois bien : ça te rend malheureux.

— Elle ne t'aime pas. Aucun d'entre eux ne t'aime.

— Et alors ?

J'ai secoué la tête.

— Et alors, ils n'apprécient pas que je traîne avec toi.

— Tu sors avec qui tu veux, non ?

— C'est ce qu'ils ne comprennent pas ! Ils veulent sans cesse me protéger.

— Te protéger de quoi ?

J'ai fermé les yeux, incertain.

— Tu sais quoi ? ai-je dit. On devrait peut-être y aller ? Sinon, on va manquer le bus et on n'aura pas le temps d'étudier.

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant