Prologue

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L'astre de Séléné jetait son halo argenté sur une silhouette apeurée, une femme éperdue qui courait à travers la forêt plongée dans la nuit. Ses pieds écrasaient les feuilles et les branches mortes ; la discrétion n'était pas son premier souci. Son souffle rauque et la palpitation sous ses tempes témoignaient de ses efforts afin de maintenir ce train d'enfer.

Malgré les apparences, elle ne fuyait pas pour sa vie.

Haletante, elle dut s'arrêter, reprendre son souffle, incapable de faire un pas de plus. Ses mains tremblèrent dans ses cheveux. Ses yeux sondèrent avec fébrilité les ténèbres qui l'entouraient. Elle reconnut l'étang Neuf à quelques mètres, petit nid d'eau au milieu des bois. Un gémissement de désespoir lui échappa. Elle savait n'avoir aucune chance de retrouver ce qu'elle poursuivait ainsi, la forêt était trop vaste, mais elle devait essayer ! Si jamais il la retrouvait, il allait la tuer ! Elle avait vu la haine brûler au fond de ses yeux et entendu la détermination farouche dans sa voix. Une pensée la glaça : et si c'était sur ce fou qu'elle tombait ?

Elle avait besoin d'aide !

— Brigid ! hurla aux quatre vents cette pauvre femme nimbée par la lumière de la lune.

À peine l'écho de sa voix se fut perdu dans l'immensité de ce désert sylvain qu'un souffle froid frôla ses jambes et lui donna la chair de poule. Elle se figea. Elle avait lu les histoires, toutes celles qu'elle avait pu réunir.

Dans son dos, elle sentit une présence, dangereuse, lui dit son instinct. Pourtant, ce fut le soulagement qui étreignit son cœur quand elle se retourna. Devant elle se tenait une grande louve à la blancheur immaculée. Sa longue queue déliée fouettait l'air à la façon d'un chat. Elle était auréolée de lumière au cœur de la nuit et ses iris dorés étaient pareils aux flammes de chandelles.

— Merci mon Dieu ! soupira-t-elle, un sourire aux lèvres alors qu'elle contemplait cette vision venue d'un autre monde.

Soudain, un grondement sourd semblable à celui du tonnerre émergea du corps de l'animal pharamine... La Bête infernale lui rit au nez.

Elle retint son souffle et leva les yeux au ciel pour voir la pleine lune, phare céleste qui, à travers les serres des arbres nus, éclairait la scène devenue tragique à cet instant précis. La terreur succéda à la tranquillité...

— Oh non... bredouilla-t-elle, la voix brisée par l'horreur.

Son regard revint sur la créature. Son cœur s'arrêta. Elle pâlit.

Son premier cri déchira le voile de la nuit lorsque les crocs s'enfoncèrent dans son épaule tandis que les griffes commencèrent par labourer ses seins et ses cuisses.

La louve de BrocéliandeWhere stories live. Discover now