Café et Bicyclette - [Terminé]

Chapitre 27 - Histoire de Confiance

Chapitre Vingt-Septième

Magdalena avait son regard toujours fixé sur l'eau du canal. Il y avait beaucoup de choses qui se bousculaient dans son esprit actuellement. Elle s'était demandée si elle avait bien fait de se confier à Martijn ; elle s'était demandée s'il la regarderait toujours de la même façon après avoir su. Et puis ce matin, elle avait eu la réponse à ses questions: oui. Oui, elle avait bien fait et oui, il la regardait toujours de la même façon. Il n'y avait pas la pitié qu'elle avait redoutée. Il n'y avait rien d'autre que... que de l'amour ? Magda n'en était pas certaine. La jeune femme porta sa tasse à ses lèvres et sourit en sentant le goût sucré du miel arriver dans sa gorge. Parce que Martijn y avait pensé. Elle ne se souvenait même pas lui avoir dit qu'elle prenait son café avec du miel et pourtant il le savait. Magda vit un couple sur un vélo passer devant la fenêtre, cela la ramena un mois en arrière, le jour de la rentrée de janvier. Ce jour-là, Martijn lui avait posé une question très simple et pourtant, elle n'avait pas été capable de lui répondre. Il lui avait juste demandé « Tu me fais confiance ? ». Il n'avait pas posé cette question au hasard, elle le savait. Sur le coup, elle n'avait pas répondu parce qu'elle ne pouvait pas dire non ; mais elle n'arrivait pas à lui dire oui, pour autant. C'était comme si son cœur lui criait de lui montrer tout ce qu'elle ressentait pour lui et qu'à côté de ça, son cerveau lui criait de se méfier et de ne pas courir dans ses bras parce qu'elle allait finir par avoir mal. Magda ne savait pas qui écouter entre son cœur et son cerveau, mais elle savait qu'elle allait devoir choisir vite, parce que peu importe ce que Martijn pouvait lui faire croire, elle savait qu'à trop attendre elle allait le perdre. Et alors là, elle aurait mal. Très mal.

Magda avala la toute fin de son café d'un trait et se leva avec un air décidé. Comme Martijn, quelques minutes avant elle, elle descendit dans sa chambre. En arrivant dans la pièce, elle entendit l'eau couler, signe que Martijn était sous la douche. Magda s'assit sur le lit pour rassembler son courage. Elle repensa à ce qu'elle avait dit à Martijn sur ce même lit, cette nuit. Elle repensait aussi à tout ce qu'il lui avait répondu pour la rassurer. Elle savait qu'il ne poserait plus de question, il la respectait trop pour ça. Il attendrait. Comme il le faisait toujours avec elle. Et Magda en avait définitivement marre de le faire attendre, il avait le droit de savoir. Il méritait de savoir. Alors, avant de changer d'avis, la jeune femme se leva du lit et ouvrit la porte de la salle de bain.

« Magda ? C'est toi ?, demanda Martijn dont la silhouette se devinait de l'autre côté de la paroi de douche. »

Magda ne répondit pas, elle s'appuya contre une des vasques et commença son récit.

« J'avais quinze ans, j'étais en seconde. Lui, il en avait seize, il était en seconde aussi, mais pas dans ma classe. Il était dans la classe de Bastien et Pierre, deux de mes amis. Il venait juste d'arriver dans le lycée, alors ils lui ont proposé de venir avec nous parce qu'il ne connaissait personne. C'est comme ça que je l'ai rencontré. J'ai tout de suite été attiré par lui, et j'imagine que lui aussi. J'avais besoin de quelqu'un comme lui dans ma vie, à cette période. Il est arrivé à un moment dans ma vie où je ne me sentais pas très bien: Charlie venait juste de repartir à New York et je me sentais terriblement seule. On a commencé à se rapprocher, à passer du temps ensemble et très très vite il est devenu, comme indispensable à ma vie. Je ne me voyais rien faire sans lui. A mes yeux, il était idéal. Il était beau, il était intelligent et cultivé, il faisait rire tout le monde, il était aimé de tout le monde et en plus il s'intéressait à moi. Il avait vraiment tout pour plaire. Puis, en seconde, il y eut ce voyage en Italie organisé dès le début de l'année. Je ne devais pas y aller au début, mais quand il m'a dit que lui y allait, je me suis dit qu'il fallait absolument que j'y aille. J'ai littéralement supplié mes parents. Je n'avais jamais fait ça avant, alors ils se sont dit que ça devait vraiment être important pour moi et ils ont cédé. Ce voyage était vraiment parfait et en revenant, j'étais sûre d'une chose: j'étais tombée amoureuse de lui. Mais vraiment amoureuse. On a continué à pas mal discuter pendant les semaines qui ont suivies. Il me racontait sa vie dans tous les pays où il avait pu vivre. Il avait déjà beaucoup déménagé un peu partout dans le monde à cause du boulot de son père ; j'ai jamais vraiment compris ce qu'il faisait, d'ailleurs. Enfin, bref. On a commencé à sortir ensemble et au début, tout avait l'air parfait. Je dis « avait l'air » parce que quand j'y repense, à ce moment-là, il me faisait déjà quelques remarques sur moi, sur mes amies, sur mes habits, mais je ne les soulignais pas parce que... Parce que j'avais trouvé quelqu'un qui m'aimait. Après il y eut les vacances de Noël, il est parti avec toute sa famille en vacances. J'ai pas eu une seule nouvelle des deux semaines, j'ai pas compris ce qui arrivait, nous qui étions si fusionnel, lui qui me demandait toujours avec qui j'étais et qu'est-ce que je faisais, du jour au lendemain, je n'avais plus une seule nouvelle. Quand il est revenu je lui ai demandé des explications. Je n'en ai pas eu. Il m'a dit que je n'avais pas à tout savoir sur ce que lui faisait, qu'il avait aussi le droit à sa liberté. Puis il m'a demandé de lui raconter toutes mes vacances, dans les moindres détails: ce que j'avais fait, qui j'avais vu, où j'avais été. Je lui ai tout raconté. »