Chapitre 1 - Aurore

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Le soleil tardait à se lever et seul le chant cristallin des oiseaux trahissait le prochain retour de l'aube. Le moindre souffle formait une fine pellicule de buée sur les carreaux glacés. Décidément, l'hiver ne comptait pas interrompre son séjour de sitôt.

La chambre était plongée dans la quiétude, toute la maison dormait encore,... ou presque. Et le silence ne redeviendrait roi qu'à la tombée de la nuit désormais. Mes pas légers firent sensiblement grincer quelques lattes du plancher, veillant à provoquer le moins de bruit possible.

J'étais matinale, depuis toujours. Il était absolument impensable que je ne me présente à mon poste sans arborer une tenue impeccable. Mon uniforme en place, je réajustai mon bonnet et appliquai méticuleusement sur mes tempes les rares mèches de cheveux parvenues à s'échapper de mon chignon. Un rituel dont la maîtrise ne nécessitait qu'une modeste flamme qui ne parvint pas à réveiller l'autre habitante des lieux. Une précaution que je prenais tant par animosité à son égard que par plaisir de la solitude.

A peine eu-je refermé la porte derrière moi que des mains accaparèrent ma taille et un souffle brûlant parcouru ma nuque. Les vibrations d'une voix grave s'immiscèrent jusqu'à moi :

— Cela faisait si longtemps...

Craignant certainement de se faire attendre, lesdites mains parcoururent chaque parcelle de mon corps sans vergogne. C'était sans compter les lèvres affamées qui avaient déjà dévorés mes oreilles et mon cou en vue de s'attaquer ensuite à mes épaules.

J'inspirai profondément, prenant sur moi pour ne pas m'emporter, et maîtriser mes poings qui ne demandaient alors qu'à se manifester. J'attrapai les importunes, et me tournai pour me trouver enfin face à leur propriétaire. Même si je pris garde de ne pas réveiller l'étage par de grands éclats, ma voix sortie, claire et ferme comme le marteau de la Justice :

— Monsieur, je vous prierai de faire preuve d'un peu de retenue.

Edward Matthew Collins, Troisième du nom, fils du Maître de ces lieux me couva du regard comme si mes paroles n'avaient pas le moindre sens. Un homme puissant, âgé de vingt-cinq ans, doté d'une beauté sans commune mesure et d'un charme dévastateur. Le drame étant qu'il en avait parfaitement conscience.

— Helena, accordez-moi un instant, un seul, gronda-t-il.

Lorsqu'il me suppliait ainsi, j'en venais presque à me pardonner de lui avoir ainsi cédé, après que le jeune Lord m'ait longuement fait la cour tel le parfait gentlemen qu'il semblait être. Cela aurait pu aboutir sur un mariage et une ribambelle de beaux enfants. Seulement, j'étais femme de chambre et Edward héritier du domaine. Et je n'avais jamais attendu plus que ce qu'il était en mesure de m'offrir et dont j'avais alors besoin, à savoir la chaleur et la tendresse d'un amant.

— Je suis navrée mais je ne suis pas en mesure d'accéder à votre requête. Pour toute réclamation je vous prierai de vous adresser à la Gouvernante.

En vain, je senti mes jambes se dérober lorsque la bouche d'Edward Matthew Collins s'empara avec avidité de la mienne. C'était tellement délectable que je cru l'espace d'un instant battre en retraite et m'abandonner à nouveau à cette étreinte enivrante. Mais je devais m'y soustraire coûte que coûte et menai un réel combat pour m'extirper de cette emprise. Ce qui sembla grandement affecter le jeune Lord dont le visage se durcit à m'en faire frémir.

— Helena. Tu ne pourras pas m'échapper éternellement, grinça-t-il.

Visiblement le parfait gentleman avait abandonné le vouvoiement d'usage et son romantisme tragique. Cela avait été plus rapide que d'habitude, et il était hors de question que je me laisse ainsi menacer dans mes propres quartiers. J'approchai mon visage avec un regard plus dur encore afin d'appuyer ma conviction.

— Monsieur Collins, notre relation appartient au passé, j'y ai mis un terme que vous le vouliez ou non. Je n'entretiendrai plus le moindre rapport intime avec un homme menteur, manipulateur et promis à une femme à laquelle il est fiancé.

Ledit menteur et manipulateur du serrer les dents à s'en briser la mâchoire tant elle semblait crispée. Il n'ajouta mot mais son regard laissait penser que cette confrontation n'était certainement pas la dernière. Un regard qu'il détourna pour vider les lieux d'un pas rageur, sans se retourner.

Je pris le temps de souffler, soulagée d'être parvenue à me dépêtrer de cette inconvenante situation sans que la rage d'Edward n'ait pris trop d'ampleur. Je m'engageai dans les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée et aperçu Lady Rose, en tenue de nuit, les mains sur les hanches, adressant un regard furieux dans la direction qu'avait dû prendre son frère. On aurait pu penser qu'elle allait crier, mais c'est en chuchotant qu'elle entama avec tout autant de panache :

— Je savais bien qu'il préparait quelque chose ! Edward n'a certainement pas conscience du raffut provoqué par son plancher à chaque pas qu'il fait dans sa chambre. Dis-moi qu'il ne s'est pas montré irrespectueux ou bien il va passer un très mauvais quart d'heure !

L'évocation du plancher grinçant me fit monter le rouge aux joues. Je n'avais jamais vraiment réfléchi à ce genre de détail. Après tout, la chambre des parents de mon amant était à l'autre bout du long couloir qui longeait le premier étage.

— Je n'ai pas de réponse claire à te formuler. Irrespectueux pour qui ?, hasardai-je en haussant les épaules.

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⏰ Last updated: Apr 18, 2021 ⏰

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