XV.

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Jean.

Il faisait jour depuis quelques heures déjà. C'était un temps maussade, gris et sombre, comme aplati par le ciel et écrasé par le silence. Rien ne bougeait. Tous travaillaient, tous étaient partis, tous étaient loin. Sa mère n'était pas là. Il était seul. Et il n'avait envie de rien.

Il se redressa, sortit de sa chambre, descendit dans le salon, resta un moment debout, passif, contemplatif, alluma la télévision puis l'éteignit aussitôt, se dirigea vers la cuisine, s'adossa au mur, l'idée de manger l'effleura, mais il n'avait pas faim, il n'avait pas soif, il ne voulait rien.
Il remplit une bouteille d'eau et remonta dans son chambre.

Il pensait trop.

Il pensait trop à lui.

Il ne regrettait pas, mais rien ne se passait. Et au fond de lui, il avait conscience que ses espoirs et ses attentes étaient infondés, qu'ils ne lui rapporteraient rien sinon de la déception, qui elle-même serait illégitime car il n'avait pas à ainsi espérer autant des autres, et son coeur souffrit.

Il s'assit au bord de son lit et regarda le ciel. Chaque nuage se fondait dans l'autre. Tout était plat, tout était uni, tout était lourd.

Quel but avait la vie ?

Et il se surprit lui-même de la facilité avec laquelle son bonheur venait et repartait, claquait la porte, semblait dire adieu, regarde moi m'en aller, regarde mon dos et habitue toi à ne jamais me voir de face, parce que jamais tu ne m'atteindras, et qu'importe combien tu espères, qu'importe combien tu essayes, qu'importe combien tu souris, combien tu fais semblant, combien tu crois y arriver ; tu ne verras jamais que mon dos, et c'est ainsi, c'est ton destin.

Alors il baissa la tête, vit ses mains tremblantes et blanches autour de la bouteille d'eau, vit combien il la serrait fort, alors il prit une décision, il le fit vite avant de perdre le courage, il attrapa ses chaussures, il changea de teeshirt, il prit une veste, et il sortit sans son téléphone, sans rien d'autre que ses clés et un peu de fébrilité, et il marcha, il alla jusqu'à la mer, et quand il la vit, grise et calme comme le ciel, il se sentit mieux, ses mains ne tremblaient plus, et le restaurant était là, il n'avait pas bougé, ni vieilli, ni changé, il avait la même façade rongée par le sel, et alors il y entra, et son cœur battait encore au rythme de l'espoir.

Les InvinciblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant