Chapitre 5

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-Oh le sal...grogna Nathanaël, sa main relevant toujours ses cheveux.

Il réfléchit à toute vitesse : le plus important était d'effacer la phrase de son front mais quelque chose lui soufflait que cela ne serait pas aussi facile que ça en avait l'air. Il ouvrit le robinet et frotta fort son front avec l'eau chaude mais rien n'y fit, la marque ne bava même pas. Ce n'était sensiblement pas du feutre. Salazar était un sorcier : il devait avoir apposé un sortilège de sa connaissance qui se déclenchait si un importun (en l'occurrence lui) s'aventurait trop près de sa fontaine chérie. Il n'essaya même pas de régler le problème avec la magie, il savait qu'il se fatiguerait pour rien : Salazar avait un tout autre niveau que lui. Il était donc indispensable qu'il aille voir le sorcier pour l'obliger à enlever le sort. Il ne pouvait de toute façon pas se présenter comme cela devant Mrs Fridge. Il imaginait déjà la remontrance perfide de la mère supérieure sous les rires moqueurs des élèves de la classe.

Non, décidément, il était dans l'obligation d'aller voir le sorcier ! Sans plus tarder, il sorti de la salle de bain, attrapa ses vieilles baskets au pied de son lit et les enfila en même temps qu'il descendit les escaliers de bois quatre à quatre. Il traversa silencieusement la cour et poussa précautionneusement la lourde porte en chêne de l'orphelinat. Le garçon vérifia à gauche et à droite si la voie était libre et s'élança sur le chemin caillouteux.

A peine eût-il fait dix mètres que son épaule gauche brilla d'une lueur bleue et une force invisible le tira en arrière. Il se vit être traîné vers la porte qui s'ouvrit toute seule, il se vit traverser en sens inverse la cour -ne laissant derrière lui que deux traînées dans le sol laissées par ses pieds- puis, il se vit remonter les escaliers pour se retrouver sur son lit, abasourdi.

Qu'est-ce que c'est que ça ?

Il dénuda rapidement son épaule pour y voir disparaître la même croix bleue que le jour d'avant. Si elle l'avait aidé hier, ce n'était pas le cas aujourd'hui. Était-ce une machination de Salazar visant à l'obliger à aller en cours afin d'y être humilié ? Ni une ni deux, il ressorti du dortoir, dévala à nouveau les escaliers, retraversa la cour, rouvrit la porte et couru vers le village. Ni une ni deux, il se retrouva une fois encore assis sur son lit, la croix disparaissant doucement de son épaule.

Il tenta trois fois de rejoindre le village après ça mais rien n'y fit, la croix bleue finissait invariablement par briller et la force finissait invariablement par le traîner dans le dortoir. Puisqu'il ne pouvait apparemment pas aller voir Salazar, il décida de se cacher à la bibliothèque. Il sécherait le cours de français consciemment, et tant pis pour les conséquences ! Il en assumerait vaillamment la punition.

Il feuilletait avidement un ouvrage sur les aigles royaux quand la sonnerie retentit. Son ventre gargouilla : il avait terriblement faim mais il était exclu qu'il aille pavaner au réfectoire avec la preuve de son échec sur le front. Il se tînt le ventre, espérant ainsi réduire les grondements qui en sortait, quand la croix bleue se remit à briller. Nathanaël se jeta aux pieds de la première table qu'il vit en criant pour s'y accrocher fermement.

-Non, non, non, non !

Il s'attendait à se retrouver, une fois encore, sur son lit mais comme le jour d'avant il se retrouva devant sa salle de classe en une fraction de seconde alors que les pensionnaires commençaient à affluer dans le couloir. Il se tourna vers le mur, paniqué.

-Qu'est-ce que je vais faire ? marmonnait-il en triturant sa frange quand Mrs Fridge l'interpella.

Mr Porter, veuillez entrer dans la salle de classe avant que je ne vous y aide, et croyez-moi, vous ne le souhaitez pas le moins du monde.

Nathanaël WylltWhere stories live. Discover now