Premier grain.

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En y repensant maintenant, je crois que je peux affirmer sans crainte que je suis fier de moi.
Rien n’a été facile et j’aurais totalement pu me planter mais j’ai fini par réussir.
Non sans peine, certes.
Mais j’ai accompli plus que ce à quoi j’aurai pu un jour rêver et le jeu en valait totalement la chandelle.

Je me rappelle le jour où j’ai débarqué à la banque, pour mon premier rendez-vous.
Je sortais tout juste de mon école de commerce, mon diplôme négligemment fourré dans mon sac à dos que j’avais balancé à la hâte par-dessus mon épaule.

Oh bon sang, je me souviens encore maintenant de la tête de mon banquier lorsque j’ai débarqué dans son bureau, essoufflé.
Et il avait de quoi tirer une telle tête.
J’étais là devant lui, un chignon mal fait dégageant à peine mon visage et une chemise froissée boutonnée à la va-vite.
J’avais même dû oublier certains boutons.

J’ai rapidement vu dans ses yeux qu’il pensait que je n’avais rien à faire là.
La légère crispation de sa mâchoire me fit réaliser qu’il se retenait de rire et de me dire de m’en aller avant de filer raconter ce qu’il venait de voir à ses collègues.
Mais il n’en fit rien parce qu’il devait rester correct, comme la société avait dû le lui apprendre au fil des années.

Maintenant que j’y pense, avec le recul des années, j’aurais sûrement réagi de la même manière si j’avais vu débarquer un jeune complètement débraillé dans mon bureau pour me demander de l’argent.

Il m’avait tout de même laissé parler et exposer mon projet, ses doigts triturant le bois de son bureau avec impatience.


- Pourquoi voulez-vous ouvrir un Café dans cette ville alors qu’il doit déjà en exister une bonne vingtaine ?
- Ce n’est pas juste un Café que je veux créer. C’est un Café-Librairie. Je veux que les gens puissent se sentir chez eux à n’importe quel moment de la journée et ce même s’ils ont une réunion importante juste après.


J’avais eu droit à un regard dubitatif, suivi d’un soupir d’exaspération.
Et je suis presque sûr de l’avoir entendu marmonner dans sa barbe :


- Ah ces jeunes. Toujours à vouloir créer des choses inutiles.


Il était clair que ce Monsieur là ne devait pas ouvrir plus d’un livre par an.
Et encore, je suis gentil.

Après ça, je lui avais alors expliqué que je possédais un apport plutôt conséquent, hérité au décès de mon grand-père et que je n’avais besoin que d’un prêt de quelques milliers d’euros pour pouvoir louer le local pendant la première année.


- Et ce local, vous l’avez ?
- Je l’ai. Il ne me manque que le prêt de votre banque.
- Etes-vous conscient qu’il faudra plus de trois mois avant de débloquer les fonds et que vous n’avez qu’un infime pourcentage de chance, que votre affaire marche ?


J’avais hoché la tête, décidé.
Je savais à quoi m’en tenir, je nourrissais le projet depuis plus de huit ans et je n’étais pas idiot au point de me lancer dans l’inconnu, sans avoir fait des recherches au préalable.
Mais il ne le savait pas et il me fallut pratiquement deux mois pour obtenir gain de cause.

Le fait que j’étais propriétaire de l’appartement cossu, hérité de mon grand-père y fût pour beaucoup.
Lui et ses collègues avaient compris que je pourrais rembourser.
J’étais idiot et jeune à leurs yeux mais je pouvais rembourser.
Et c’était tout ce qui leur importaient.

Encore maintenant, je suis sûr qu’il arbore une moue dubitative en pensant à moi et à mon dossier.
S’il le fait, bien entendu.

Dear [BoyxBoy] ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant