I. Rien ne sera plus comme avant

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Cours. Cours et ne t'arrête jamais. Même lorsque l'air de la nuit brûle ta gorge. Ne crains qu'une chose: être rattrapé.
Le bruit d'un écran qui s'explose sur le sol. Repars en courant.
Si on te trouve, tu es mort.
Ne pas savoir où tu es. Être perdu. Mais continuer à courir, de peur qu'on te rattrape. Ne t'arrête pas ! Un poing de douleur déchire ton ventre. Mais ne t'arrête pas. Ou tu es mort. Et on dira que c'est un accident. On peut tout inventer. Alors, pour éviter que la vérité ne soit détournée, que ton corps ne soit jamais retrouvé, cours. Saute, vole, tout et n'importe quoi, mais dégage d'ici !
Tu es perdu. Et il fait nuit. Tu ignores tout de l'endroit où tu te trouves. On te retrouvera sûrement. Mais pas maintenant. Alors dors tranquille, blotti dans un tas de paille. Dors et attends que le soleil se lève. On t'aura peut-être retrouvé, d'ici là.

•••

Samedi 6 avril 2013.
8h30.

Antoine sauta par dessus un muret de pierres. Dans un sac à dos élimé par le temps, il transportait le petit déjeuner. Il courait à travers les rues étroites avec l'énergie d'un enfant, inépuisable et souriant. Ses cheveux hirsutes dansaient sur son crâne à chaque pas qu'il faisait. Le goudron du centre du village se transforma en terre battue, et les granges remplacèrent les petites maisons serrées et colorées. Maillis était un petit village à une demi-heure du centre-ville et vivait essentiellement de ses cultures et de ses élevages. Il était réputé aussi pour être fleuri et très vivant, contrairement à la plupart des autres hameaux aux alentours.
Antoine s'y sentait bien, loin de la ville. Il serrait les deux lanières de son sac et ne cessait de courir, bien que le chemin serpentait entre les roches. À l'écart des autres villas et granges, se trouvait la demeure modeste du garçon.
« Bienvenue chez les Daniel, dans la maison du sourire » indiquait un petit panneau accroché à la porte. Et c'est en souriant qu'entra Antoine.
Il déposa ses chaussures sur un petit meuble en bois préparé à cet effet et trottina jusqu'à une petite femme qui s'affairait autour d'un plateau.

– J'ai pris tout ce que tu as demandé ! lança-t-il fièrement en ouvrant le sac.

La femme sortit les croissants du sachet et lui sourit, avant de les disposer sur les assiettes. Le garçon et elle sortirent sur une petite terrasse qui donnait sur leurs prés et les étables.

– Grand-Mère, je n'ai pas de devoirs pour lundi ! Qu'est-ce que je pourrais faire pour t'aider ?

L'aînée but son café tranquillement et reposa la tasse, d'une main qui commençait à se faire tremblante.

– On n'a bientôt plus de lait de brebis.

– Je m'en occuperai, alors !

Elle le regarda dévorer son croissant. Antoine était un pré-adolescent adorable, bien qu'hyperactif. Au collège, il était à l'écart de ses camarades. On le traitait de paysan, d'inculte. Comme si les deux mots étaient des synonymes. Antoine détestait ça. Sa grand-mère savait plus que tous les professeurs de ce collège réunis.

•••

11h45.

Vasquez avait accompagné l'une des brigades canines sur le terrain, dans l'espoir de dénicher quelques indices. En vain, malheureusement. Il était déjà presque midi et les équipes tournaient en rond, sans aucune piste viable.
Cependant, un appel du commissariat permit de donner un nouvel élan d'énergie aux autorités.

Le temps d'un sourire [Matoine]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant