Soweto Uprising

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Un vendredi matin à KATLEHONG

"Dépêche toi Neo ! P'tit déj' !"
Maman m'appella depuis l'étage d'en bas. Je descendit les marches quatre à quatre. Je me préparai un bol de céréales Power Pops, mes préférés. Mais aujourd'hui je n'étais pas vraiment d'humeur. Maman remarquait toujours.
  - Pourquoi tu boudes ?
  - Pff...On visite un musée aujourd'hui !
  - Lequel ? me demanda Maman en clipsant son badge doré indiquant Sylvia Moshoeu.
  - Le musée de l'Apartheid...
  - L'Apartheid c'est pas ennuyeux s'exclama-t-elle, c'était horrible, incroyable, mais jamais ennuyeux ! Tu ne serais même pas allé jusqu'en cinquième si tu avais vécu en ce temps, et juste à cause de ta couleur de peau !
- Ok...mais c'est de l'histoire, du passé. Ça n'a rien à voir avec moi, marmonnais-je.
- Et bien...savais-tu que j'ai failli être tuée pendant la Soweto Uprising ?
- Quoi, fis-je étonné, si tu étais morte, je n'aurais jamais vu le jour !
- Alors l'histoire te concernes un peu, n'est ce pas ?
Maman me raccompagna jusqu'au seuil de la porte et j'entendis le car scolaire arriver. Je lançai un aurevoir en m'éloignant :
"M'man tu m'en diras plus après ok ?"

Plus tard, nous étions tous en rang devant les 7 piliers du musée. Ils étaient alignés, robustes, droits, hauts dans le ciel bleu, si bien qu'il fallait se tordre le coup pour lire leur inscription. Liberté, Respect, Responsabilité, Diversité, Réconciliation, Égalité, Démocratie. Ces mots semblaient d'autant plus puissants grâce à leur taille colossale. Kevin me sorti de mes pensées brusquement :
"Neo, allons y !"
Super, j'étais déjà à la traîne. J'avais pourtant promis à Maman qu'à présent j'essaierai d'être plus attentif en classe.
Nous nous faufilâmes discrètement dans la première salle à la suite du groupe. Soudain, j'aperçu un écriteau sur Soweto Uprising. C'était en l'an 1976 ! Ma mère a manqué de mourrir en 1976 ! Nous sommes une génération plus chanceuse que celle de nos parents, pensais-je.
"Neo, hurla Mme Maponya, sois attentif !"
Toute la classe se retourna vers moi, avec un regard mauvais. Je ne suis pas vraiment un cancre, puisque les cancres sont populaires et appréciés par les autres élèves. J'ai des bonnes notes, mais je suis trop rêveur et dissipé et différent. Cela me fait penser au pilier de la Diversité. Quoi qu'on fasse on sera toujours différent de son voisin, mais on ne peut rien faire pour le forcer à accepter cela.

Pendant les cinq minutes qui suivirent, je fus un élève modèle, sage comme une image.
Mais, dans le couloir deux employés attirèrent mon attention. Ils transportaient un gros carton sur un chariot.
  - Où ont-ils trouvé ce truc, demanda l'homme à sa collègue.
  - Pelindaba, mfewethu ! À l'ancienne station d'énergie nucléaire.
  - Hawu ! T'es sérieuse ?
Le carton était recouvert d'un tissu peint de lettres rouges qui indiquait  S.A.D.F Special Operations. Je compris qu'ils allaient rentrer dans la pièce du fond. Je m'approchai donc furtivement, et, caché par une affiche en noir et blanc qui représentait des manifestants, je détacha mes lacets et retira ma chaussure droite. Ça y était, ils allaient s'engouffrer par la porte mentionnant Strictly staff only. Au bout de quelques minutes, ils ressortirent, la porte s'ouvrit et alors qu'elle se refermait, j'envoyai ma basket. "Faites que ça marche !" J'entendis un bruit sourd. Ma chaussure bloquait la fermeture de la porte et je pouvais entrer sans avoir le badge ! Yessss !
Les employés s'éloignaient tout en bavardant :
"Tu crois que tout ce bazar fonctionne pour de vrai ?"
Je récupérai ma chaussure et entrait dans la pièce. C'était un gigantesque placard à balais, avec des affiches de Mandela et de vieux ordinateurs.
"La boite ! Voyons ce qu'elle a de si spécial !"
Je soulevais la toile, le coeur battant, un énorme attirail en acier y était couché. Ce qui attira mon attention, c'était une petite boule du même métal. Je la pris dans ma main
"Cool ! Mais à quoi ça peut bien servir ?"
J'appuyais sur le bouton rouge. Un cliqueti mécanique se fit entendre, mais rien ne bougea. Soudain, je reconnus le bruit terrible des talons de Mme Maponya sur le sol. Elle avait du réaliser mon absence.
- Ouvrez cette porte !
- Eish ! criai-je, horrifié.
Mais en réalité, j'avais un problème plus important que ma professeure à gérer. Et ce problème se trouvait juste derrière moi. Un robot se dressait hors de la boîte avec un bruit lourd et je sentis mon corps se soulever et mes membres me tirer de toute part. Le temps défilait devant mes yeux et je pouvais encore entendre Mme Maponya m'appeler et la voix de Kevin lui répondre qu'il n'y avait personne.

Soudain tout devint d'un blanc éclatant et je fus aveuglé. Je sentis mon corps heurter violemment le sol. Des gens fuyaient tout autour de moi.
- Lève-toi petit mec !
- Des gaz lacrymogènes ! Courez ! Courez !
Mes yeux et ma gorge me brûlaient et je courrais tant bien que mal.
Soudain, une jeune fille m'attrapa le bras.
  - Allez ! Les policiers sont derrière nous ! Là, derrière le mur.
  - Mais qu'est ce qui ce passe ? m'écriai-je, essouflé.
  - La police veut empêcher notre protestation !
J'étais complètement perdu. Puis mes yeux se posèrent sur un journal qui traînait par terre. Il était daté du 17 juin 1976.
- Quoi ? Mais comment c'est possible ?
- C'est fou. Ce sont juste des écoliers qui protestent. Je croyais que ce serait une protestation pacifiste, murmura la jeune fille, les yeux perdus dans Soweto enflammé.
- Protestation ? Pour quoi ?
- Hein ? Qu'est ce que tu fais là si tu n'es pas au courant ?
- Je...eh...hum.
Soudain des coups de feu retentirent.
  - À terre ! hurla la jeune fille.
  - Des balles ? Ils sont fous !
  - Le gouvernement veut que les écoliers apprennent tout en afrikaans.
  - Mais pourquoi essayent-ils de nous descendre ?
Les yeux de la fille se remplirent de haine.
  - Ils pensent qu'on ne mérite rien, qu'on ne vaut rien. Ils surchargent nos écoles, les enseignants nous battent, ils nous parlent dans un langage qu'on ne comprend pas. Mais la jeunesse s'éveille. Le message de Biko se répand.
  - C'est qui Biko ?
  - Steve Biko nous a rendu fiers de ce que nous sommes.
  - Il est à la tête de la marche ?
  - Non, c'est Tsietsi Mashini. Mais tout deux croient en l'Esprit Noir. Ce savoir et cette confiance en soi sont les racines du pouvoir !
  - Jamais entendu parler d'eux. Mais je sais que Mandela et De Klerk nous ont libérés.
  - J'ai perdu une amie, dit la fille en m'interrompant, elle est tellement jeune, je n'aurais pas dû l'emmener.
Elle parcourait le paysage dévasté du regard. Oh non, reprit-elle, elle est là bas !
L'enfant courrait de tout ses forces. Derrière elle la police blanche et noire tirait depuis un énorme char d'assaut. Elle allait se faire écraser.
  - Je dois aller la chercher !
  - Non ! C'est trop dangereux, m'exclamai-je en la retenant.
Un homme s'approcha du char et lança une pierre sur le front du tireur. Celui ci tomba.

  - Dieu, aide-moi ! pleura l'enfant.

Je décidai que c'était le bon moment.

Je courru jusqu'à elle, la prit dans mes bras et l'emmena dans un lieu sûr. La petite, encore choquée, ne cessait de murmurer qu'elle allait mourrir.

Timeliners : Soweto in flamesحيث تعيش القصص. اكتشف الآن