Chapitre 2, Earwen

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Un souffle froid et mordant caresse ma joue puis descend dans mon cou et finit par parcourir toutes les parcelles de mon corps, m'enveloppe totalement puis me laisse retomber sur une surface chaude. Je me recroqueville sur moi-même. Ma peau me tiraille, puis quelque chose se pose sur ma hanche. Je me resserre de plus belle en sentant les doigts de quelqu'un se poser sur ma peau nue. La peur, la vraie, celle que je ne maîtrise pas encore me ronge l'intérieur. Je veux crier mais ma bouche est pâteuse et des haut-le-cœur me soulève. Une larme perle à ma paupière et j'entends un murmure dans le vent:

- Earwen... Tu es à moi...

Je serre le poing et me crispe en sentant sa peau contre la mienne, ses mains sur moi... Je tourne les yeux vers lui et d'une main, il essuie une larme qui menaçait de couler sur ma joue. Je le repousse mais il ricane et susurre à mon oreille:

- A moi...

- Non!!!

Je me réveille, en sueurs et en pleurs dans mes draps trempés. D'une main je chasse les caresses imaginaires, les lèvres et me calme. Il n'y a aucun bruit et Erdrim dort profondément dans le siège à côté. Je me lève précipitamment mais manque de tomber et me retiens sur la première chose que je trouve: mon carquois de flèches. Je ferme la main pour retenir le sang mais aucune douleur ne me traverse. Rien... Serais-je EN PLUS, devenue insensible? Je regarde l'entaille, blanchis puis laisse un peu couler le sang sur le sol. La porte de ma chambre est ouverte, pourtant, j'hésite à descendre, à quitter mes draps qui depuis plusieurs jours me cachent et me rassurent. Je regarde mes pieds par terre, soupire et sors de ma chambre. Les couloirs sont vides et je vois au loin la porte d'Hemli ouverte. Comme un fantôme, je passe devant chaque pièce, ne m'attardant devant aucune d'elles et regarde une nouvelle fois ma main, j'ai perdu beaucoup de sang. Mais mes pas me guident toujours plus loin. J'emprunte l'escalier et porte la main à la rampe puis descends sans la lâcher. Lorsque j'arrive en bas, je chancèle et m'approche de la cuisine, sors une bouteille d'alcool et l'ouvre comme je peux. D'habitude, je le laisse à Erdrim et Daïrim... Mais là... A la première gorgée, tandis que le liquide descend dans ma gorge, je tousse à m'en fendre l'âme et repose bruyamment la bouteille. Pourtant, le liquide doré  m'attire et je finis par en reboire une, plus petite. Au fur et à mesure que je bois, l'écœurement s'amoindrit et je prends des gorgées de plus en plus grosses. Au bout d'un moment, la bouteille est finie et je me lève pour en prendre une autre mais mes jambes ne me supportent plus et je m'écroule, faisant voler et tomber la deuxième. Je ferme les yeux puis les rouvre en entendant du bruit a l'étage. Tout d'abord, c'est un choc, puis un murmure que je perçois faiblement, et enfin, des pas précipités et la voix d'Erdrim qui s'élève:

- Earwen!!

Dans ma barbe, je lui chuchote de parler moins fort mais il ne semble pas avoir entendu et j'entends encore quelqu'un... Daïrim. Tous les deux dévalent les escaliers et je vois son visage inquiet. Lorsqu'il me voit, Erdrim se précipite vers moi en criant :

- Earwen !

Puis ses yeux croisent la bouteille et… Bizarrement, son ton n’est pas le même :

- Ear-Wen !

- Oui mon amouuuur ?

- Mais… T’as bu !

- Oooh… Seulement un peu…

Daïrim apparaît derrière lui et ses yeux s’agrandissent, moi je trouve ça drôle… Ça lui donne un air de benêt. Je les vois me parler mais je ne comprends rien et glousse. Mais lorsque mon frère prends ma main et la regarde, je me retiens pour ne pas crier de douleur. Il me soulève et m'emmène en haut, dans mon lit. Je sens quelque chose me traverser l'esprit et fronce les sourcils, plongeant dans un intense effort de réflexion... puis plus rien.

Lorsque je rouvre les yeux le lendemain, ma tête semble sur le point d'exploser. Je nous maudis moi et ma stupidité puis regarde ma main.  Elle est recouverte d'un bandage qui a tout de même viré à une jolie couleur rouge. Devant moi... Devant moi... Et bien... Je ne vois rien du tout. En faite, je n'ai surtout pas envie de tenter de découvrir ce qu'il y a devant. Je repose la tête sur les oreillers et grogne. Pas très féminin... Une main se pose sur la mienne, fraîche et un peu mouillée. Je me laisse aller et soupire d'aise. Une voix me parvient:

- Pour une première avec l'alcool... T'auras fait fort mon cœur...

- CHUTEUH.... Tu parle trop fort...

Erdrim me regarde de ses yeux amusés et chuchote à mon oreille:

- J'ai à peine murmuré....

- Mais chut!

Il se mord les joues cette fois et recule, me plantant là. Au bout d'une heure, je sors de mon lit en portant la main à la tête. Ca fait vachement mal... Daïrim m'attend en bas des escaliers, une tasse entre ses doigts. Je soupire et lui la prend puis boit d'un coup. Le café brulant glisse dans ma bouche, me brûle la langue et je crache tout sur mon frère. Je hais le café. Ce dernier recule en ouvrant grand les yeux:

- Earwen non!

- CHUUUUT crie pas....

- Pardon... En faite je montais...

- Voir...Enfin...?

- Non, je montais te voir, pas voir Hemli. Tu sais elle a un prénom tu peux l'utiliser. 

- Je veux pas. Je peux pas. Pardon Daïrim mais je sais que ce n'est pas de sa faute pourtant...

- On va au parc.

- Pardon?

- Je disais on va au parc, près du lac et tu viens avec nous.

- Quoi!? Mais j'ai pas donné mon accord moi.

- Et alors?

- Bin... Bin...

- T'es pas majeure à ce que je sache, c'est papa et maman qui ont ordonnés que tu sortes.

Je crois les bras en signe de protestation et soupire puis finis pas céder. Je remonte dans ma chambre enfiler un gilet, le plus long et gros possible sans regarder les marques toutes récentes au niveau de mes avant-bras. J'essuie une larme et met un jogging, celui d'Erdrim. A ce moment précis, deux bras m'enserrent à la taille et une voix murmure à mon oreille:

- Je préfère quand tu porte des shorts ou des robes.

- J'ai pas le coeur à ça Erdrim... N'insiste même pas. 

Je me tourne et me niche dans son cou puis soupire. Erdrim prend ma main et enlève le gilet. Je le laisse faire et le regarde aller chercher une chemise et un débardeur puis un jean. Il me les tend et je vois dans son regard que je n'ai pas non plus interêt à discuter. Je mets rapidement ce qu'il vient de me donner puis sort de la chambre sans le remercier . Je sens dans mon dos son sourire satisfait et grommelle. Daïrim ouvre la porte et le soleil m'aveugle. J'avance doucement et fini par sortir dehors. Le vent balaye mes cheveux et des larmes perlent à mes yeux puis coulent doucement sur mes joues. Je suis sortie.

La balade au parc m'a paru interminable, mes jambes ne me soutiennent plus, j'ai mal... Du coton à la place des muscles. Erdrim fini par me soulever et parcourt les derniers trois cent mètres à ma place. Je m'accroche à son cou et souffle en puisant mes dernières forces. La maison est en vue et je ne peux m'empêcher de jeter un regard vers sa chambre. J'entends alors la voix de Daïrim qui grogne en cherchant ses clés puis celle d'Erdrim qui ouvre la porte sans les utiliser:

- Tu n'avais pas fermé...

Les deux entrent mais je sens que quelque chose ne va pas... D'ailleurs, je ne suis pas la seule: monte frère mon à l'étage en appelant... Hemli... Et Erdrim me pose sur le canapé. Des pas résonnent alors en trombe dans l'escalier:

- Elle n'est pas en haut!

J'apperçois Erdrim qui s'approche de nous, une feuille en main, l'air grave et je comprends tout de suite ce qu'il se passe. Mais ma tête tourne et je tombe dans le vide.

Maudite, tome 2, Les armées du MalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant