Partie 3: le départ

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- Casse toi de là toi.

Il roulait un peu des épaules, les jambes écartées, prêt à foncer, comme un boxer sur le ring. L'australien le fixa d'un œil un peu perplexe. Il mesurait bien une tête de plus que lui et semblait évaluer ses chances d'être mis à terre.

- What did he say ?

- To get off, répondis-je, peu aidante.

Il partit d'un grand rire peu convaincu et envoya une grande claque dans le dos de Nabil. Ok, le Rubicon était franchi, de manière définitive. Je pus littéralement voir son sang ne faire qu'un tour. La droite qu'il envoya dans la mâchoire de l'australien surprit tout le monde. La bande de copains n'avait pas spécialement prêté attention à notre affaire. Ce fut le frangin, Tarik, qui fut le plus réactif. L'habitude de gérer ce genre de situation j'imagine. Il ceintura Nabil et l'entraîna un peu plus loin. Mais l'australien ne voulut pas en rester là. Il leur courut après en hurlant des trucs pas cools sur leur mère (qu'heureusement Nabil et Tarik ne comprendraient jamais, sinon on aurait assisté à bien pire) et la bagarre termina en roulé boulé sur la plage. Ils durent avaler 10 kilos de sable par tous les trous à ce moment-là. J'emboitai le pas aussi rapidement que possible à l'australien et je tentai vainement de les séparer. L'australien me repoussa violemment et je tombais sur le sable. Nabil se déchaîna alors complètement.

- Tu la touches pas ! hurla-t-il, tu la touches pas sinon je te bute !

Je me précipitais alors sur lui et prit sa tête entre mes mains. Je vous jure, j'avais du chagrin.

- Nabil, écoute moi Nabil, arrête, arrête ça en vaut pas la peine, je te jure, ça en vaut pas la peine Nabil, il en vaut pas la peine... écoute moi, arrête de te battre, tu me fais peur, arrête s'il te plait...

Et il se calma...

*fin du flash back

J'aime bien repenser à cet épisode. Même si Nabil m'a dévoilé son côté dark ce jour-là, il m'a aussi prouvé qu'il tenait assez à moi pour se battre. Ce qui est à la fois sexy et mignon. J'achève mon maquillage avec un rouge à lèvre très rouge et sors de la salle de bain d'un pas conquérant. J'ai mis une jolie robe noire hyper près du corps et très décolletée dans le dos et mes sandales à talons. Mes cheveux blonds n'en font qu'à leur tête comme d'hab, j'ai décidé de les laisser cascader sur mes épaules.

Nabil est assis sur le canapé en train de rouler un spliff. Il pousse un sifflement admiratif et je vois dans ses yeux s'allumer une petite lueur de plaisir. Ce soir, c'est ma dernière soirée en Thaïlande. Je rentre demain. On n'a pas du tout parlé du retour à Paris. On y habite tous les deux. Enfin, moi intra muros, et d'après ce que j'ai compris, toute la petite bande de gai luron vit dans une sombre cité quelque part en banlieue. Je ne sais pas du tout si on se reverra, s'il a envie qu'on se revoit... Si moi-même j'ai envie de le revoir. J'ai eu le cœur brisé en mille morceaux lors de ma dernière relation. Il est encore meurtri. Je n'ai pas envie de m'exposer à un nouveau coup dur. Et être avec Nabil, c'est comme faire le parcours du combattant sur des charbons ardents. Je sais qu'il me fera souffrir, que je vais en baver si je reste avec lui. Pourtant, l'alchimie est là. Deux semaines avec lui, ca a suffit pour qu'il rallume ce petit truc dans mon ventre, pour que mon cœur s'emballe furieusement dès qu'il me jette ce regard si particulier. C'est en partie pour ça que je lui ai proposé une nuit rien que tous les deux, sans sa troupe ; j'ai envie de parler franc jeu, de savoir ce qu'il pense une bonne fois pour toute. J'ai été surprise qu'il accepte, « que la mif » comme il dit, et « les putes après ». moyennement flatteur pour ma pomme.

Le restaurant est un endroit super chic avec des petites bougies partout mais je peux à peine à profiter tant je suis dans un état de stress élevé. J'ai l'estomac noué.

- Tu ne manges rien ? remarque Nabil après un long silence.

Bien vu. J'inspire profondément et plonge dans le grand bain.

- On se reverra à Paris ?

Il me jette un regard indéchiffrable par-dessus sa fourchette. Sans piper mot, il avale sa bouchée après avoir mâché consciencieusement, ne me lâchant pas du regard. Je n'ai aucune espèce d'idée de ce qui peut lui traverser l'esprit maintenant. Il a l'air aussi vide que l'œil du poisson qui git dans son assiette. Je ne m'attendais pas à une déclaration d'amour le genou à terre, ou à une demande en mariage, mais un semblant de réaction eut été apprécié.

- Nabil ?

- Hm ?

- On se reverra sur Paris ?

- Hm.

Ok. Message reçu. Ca a le mérite d'être plutôt clair. Pourtant je ne bouge pas. Incapable de me lever et de partir. Je reste figée, à manger bêtement ma salade de nouilles. C'est quoi ce mec ? Qui ne prend même pas ses responsabilités ? et moi, je suis quoi ? Incapable de lui dire ce que je ressens ?

Nous terminons notre repas dans un silence de mort. Nous nous couchons dans un silence de mort. On ne fait pas l'amour ce soir-là. Le lendemain matin, quand mon taxi arrive, il me dit simplement :

« A plus ».

Il ne prend même pas la peine de m'embrasser et tourne les talons aussitôt la portière claquée. Je me mets à pleurer aussitôt. C'en est trop... Je ne voulais pas grand-chose, juste un petit mot, juste une explication, juste un numéro de téléphone. Non, nous ne reverrons jamais. Et cette idée me rend triste comme le 5% de Dupont Aignan au premier tour.

« This way for Hall 2, miss »

Je remercie l'hôtesse d'accueil de l'aéroport en reniflant. J'ai mis une tenue de voyage pratique et confortable, un leggin noir et un débardeur blanc. Je ne suis pas maquillée et j'ai les yeux rouges d'avoir pleuré. Pas jolie à voir... Je remonte les bretelles de mon sac à dos et me dirige vers les portiques de sécurité. Je soupire encore une fois, les larmes aux bords des paupières. Avait-il besoin d'être si méchant ?

- Colette !

Je sens une main se poser sur mon bras.

- Colette, répète la voix.

Je sors de ma torpeur. C'est Nabil. Nabil est devant moi, le regard encore plus noir que d'habitude. Et je vous avais parlé de ses abdos ? on peut littéralement les compter à travers son marcel.

- Nabil ?

- Colette...

- Tu es venu...

Je lui saute dans les bras, zéro contrôle zéro dignité.

- Je voulais te donner ça avant que tu partes...

Il glisse un bout de papier dans le creux de ma main.

- Et ça aussi...

Et il se penche sur moi et m'embrasse, d'abord doucement puis de plus en plus passionnément. Il est revenu, Nabil est revenu ! Nous nous arrêtons, le souffle court.

- Faites bon voyage, mademoiselle Colette, me dit-il avec une courbette et le sourire en coin.

Il m'a coupé la chique. Je reste muette comme une carpe. Et lui s'éloigne dans la foule de l'aéroport. Je jette un œil au bout de papier.

« PNL. 16 septembre Show Case 20h. »

OK Nabil, finalement, nous nous reverrons.

Nous n'irons pas à Coachella...Where stories live. Discover now