Je me suis raclé la gorge, histoire de briser le malaise qui s'était installée à la table.

— Vous venez de Toronto, les filles ?

— Non, de Montréal.

Sacha a brusquement levé les yeux, intéressée.

— Vous parlez français ?

Emmie a dit quelque chose dans une langue aux sonorités familières, me laissant assumer qu'elle parlait bel et bien français. N'ayant suivi que les cours obligatoires du primaire, j'étais incapable de comprendre ce qu'elle disait. Elle aurait pu m'insulter et je ne l'aurais même pas compris. Note à moi-même : apprendre une langue étrangère pourrait m'être utile.

Puis, c'est Sacha qui s'est mise à parler, dans la même langue qu'Emmie. Cette-dernière a souri, contente de pouvoir communiquer dans sa langue maternelle. Gina s'est vite glissée dans la conversation. Du coin de l'oeil, je me suis aperçu que Lawrence était aussi perdu que moi. Tous les deux, nous ne comprenions pas un mot de ce qu'elles disaient. Les quelques cours de français que nous avions eu lorsque nous étions gamins nous permettaient seulement de saisir la base. Le « bonjour », le « merci » et celui que je considérais comme le plus essentiel : le « où sont les toilettes ? ».

— Tu parles français ? ai-je interrogé Sacha.

— Oui.

— Depuis quand ?

Elle a souri.

— Depuis longtemps, a-t-elle admis. C'est la langue maternelle de mon père.

— Je l'ignorais.

Et c'est loin d'être la seule chose que j'ignore à ton sujet, pas vrai ? aurais-je voulu lui demander. Malheureusement, ce n'était pas le bon moment. Je n'avais pas envie de faire une scène devant tout le monde.

On discuté encore un moment avec les deux montréalaises. Puis, l'état de Lawrence a empiré. Il n'était pas si soûl, mais ce n'était un secret pour personne : un chagrin d'amour avait autant d'impact que de l'alcool. J'ai fini par prendre en pitié mon meilleur ami.

— Bon, je crois qu'on va rentrer, ai-je demandé.

— On commençait tout juste à s'amuser ! a protesté Emmie. Vous êtes sûrs que vous ne voulez pas rester ?

— T'as vu dans quel état se trouve Lawrence ?

— Hé ! Je vais super bien, je te signale.

L'instant d'après, il a couru à la salle de bain pour y vomir ses tripes. Si vous voulez savoir, le McDo et l'alcool ne font pas bon mélange.

Sacha a piqué les dernières frites qui me restaient, mais encore une fois, je n'ai pas été assez rapide.

Nous sommes tranquillement sortis du McDo, après avoir récupéré Lawrence aux toilettes. Les filles nous ont salué, le sourire aux lèvres. Gina m'a agrippé le bras et en a profité pour glisser un bout de papier à l'intérieur de la poche de ma veste.

— Tu m'appelles, d'accord ?

— Euh, ouais.

— Au revoir, Logan.

Elle a posé un baiser furtif sur ma joue, avant de s'éloigner avec son amie en rigolant. Je suis resté figé, comme dans un état de transe. Elle avait prononcé mon prénom d'une drôle de manière, faisant ressortir les sonorités de sa langue. Derrière moi, Sacha se marrait.

— Quoi ?

— Rien, Logan.

Elle a rigolé de plus belle.



La théorie des cactusWhere stories live. Discover now