Chapitre XXVII

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-Jolie robe, Alena.On dirait la mienne. Oh, mais attends, c'est la mienne!

Mia me fixa avec amusement et éclata d'un rire méprisant. Je serrais les dents. Je détestais cette façon de me traiter comme une attardée. Je la bousculai légèrement pour rejoindre le cercle d'adolescents qui avait commencé à se former, tout près d'un vieil arbre au tronc noueux. L'odeur d'encens se mélangeait à celle des arbres, créant un parfum mystérieux, presque interdit. Alone, le visage dissimulé sous la capuche de son imposante cape noire ornée de perles, me lança un regard désespéré avant de se mettre à triturer ses doigts nerveusement. C'était très étrange. Elle qui d'habitude était si sûre d'elle, si dédaigneuse et si inexpressive, semblait avoir été remplacée par un clone, beaucoup plus fragile psychologiquement. Je tentai tant bien que mal de l'ignorer et plaçai mon attention sur l'arbre. A cet instant, Mia apparut au milieu du cercle et leva un bras. Les chuchotis se firent beaucoup moins nombreux, avant de disparaitre entièrement. Les élèves la dévisagèrent, bouche bée. Elle portait une robe en soie rouge, d'apparence très ancienne, et qui donnait l'impression d'avoir été dessinée à même son corps.

-Bienvenue à ce nouveaux rituel de la Pleine Lune! dit-elle.

Si son ton se voulait chaleureux, c'était raté. Sa voix était tellement glaciale que l'on pouvait presque entendre des brisures de glace dans sa gorge. Elle esquissa un grand sourire, puis continua.

-Si ce bal a été mémorable, ce n'est rien comparé au rituel qui va suivre. Enfin, bref, trêve de blablatages. Contentons-nous de célébrer ceux qui écrivent notre histoire, chaque seconde de chaque minute, c'est à dire nous. Vous n'êtes pas sans savoir que nous représentons l'avenir de cette société, et que les humains sont nos inférieurs. Je jure que, si un jour, l'un d'entre eux se met en travers de mon chemin, je le tuerai sans hésiter, sans remords.

Son sourire devint cruel, presque dénué d'humanité. Etait-elle consciente de ce qu'elle venait de dire? Apparemment, pas du tout.

-Aujourd'hui, c'est le jour de l'Equinoxe d'été. C'est la nuit où nous commémorons nos ancêtres, tous les grands loups nous ayant précédées. La nuit pendant laquelle le voile entre la vie et la mort est le plus fin, permettant aux esprits de descendre sur terre, expliqua-t-elle.

Je réprimai un bâillement et me frottai le nez. Elle s'exprimait d'une voix sinistre, exaspérante, en prenant bien soin de poser son regard froid sur tous les adolescents qui l'entouraient. Cinq filles sortirent de l'obscurité, se rapprochèrent du cercle, et s'y placèrent comme lors de tous les rituels, ceux de Pandéia et de Mia confondus. Cette dernière exécuta une petite danse ridicule tout en allumant les énormes bougies. Je me détendis peu à peu quand la caresse familière de l'esprit s'empara de moi. Au loin, le bourdonnement de puissance du fil argenté était à son apogée.

-A présent, je vais demander à tous ces illustres ancêtres de nous rejoindre.

Sa voix se propagea dans la forêt entière, comme un brouillard épais. Je frémis à l'idée que des fantômes s'invitent ici, mais le fait que Mia soit médium me rassura un minimum. Elle leva les deux bras, ferma les yeux, et psalmodia, le visage crispé.

-En cette nuit, entendez mon appel, vous, grands esprits de nos ancêtres. Descendez sur terre, profitez de ses bienfaits, retrouvez votre vitalité pour quelques heures!

Elle rouvrit les yeux, attrapa un couteau au manche gravé, le trempa dans une substance non-identifiée et le secoua de haut en bas, provoquant la chute des gouttelettes accrochées à la lame. Un grand coup de vent brisa le silence du bois. Un hululement retentit, puis une spirale de lumière déchira la voute céleste. Une fumée aveuglant apparut. Je clignai des yeux tandis que des silhouettes prirent forme dans la fumée. D'abord indistinctes, elles devinrent plus nettes, et soudain, le cercle fut rempli de spectres aux yeux rubis, à la bouche grande ouverte, et aux corps à moitié décomposés. Je jetai un œil à Mia, qui semblaient beaucoup plus pâle que d'habitude, et étrangement paniquée. De surprise, elle lâcha le couteau; qui s'écrasa au sol avec un bruit mat. L'un des fantômes huma l'air, et grogna. La bouche ds autres spectres s'ouvrit d'un coup, si fort que leurs mâchoires se décrochèrent. Poussant un cri de l'odeur, le plus décomposé d'entre eux tourbillonna autour de la jeune médium terrifiée. Ses yeux prirent une teinte laiteuse. Du sang coula sur son visage. Le fantôme s'approcha de son cou, et commença à l'étrangler, tout en poussant un cri strident, qui alerta les autres esprits.

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