Sacha s'est enfoncée dans le fauteuil. Elle a jeté un coup d'oeil aux papiers d'université qui traînaient sur mon bureau. Ils devaient y reposer depuis plusieurs semaines, sans que je n'y touche alors que la date limite pour les candidatures approchaient à grand pas.

— Tu ne les as pas encore envoyés ? m'a demandé mon amie.

— Non, mais je devrais m'y mettre cette semaine.

Son expression a changé immédiatement.

— Tu n'as pas songé à laisser tomber l'université ?

J'ai jeté un coup d'oeil à la porte de ma chambre, comme si je m'attendais à ce que ma mère débarque et surprenne cette conversation.

— Je te l'ai déjà dit : je ne peux pas faire ça.

— Alors, quoi ? Tu vas passer quatre années de ta vie à étudier dans un domaine qui ne t'intéresse pas simplement pour satisfaire les attentes de tes parents ?

— Oui, ai-je admis.

Dit comme ça, ça m'a paru un peu stupide.

— Je vais postuler à l'Université de Toronto et à York, juste au cas où.

— Déprimant, a-t-elle commenté.

Ça m'a arraché un sourire.

— Tu sais, Sacha, la plupart des gens ont besoin d'aller à l'université pour se trouver un travail. Toi-même, tu comptes aller à l'université. À McGill, en plus !

— Oui, mais c'est ce que je veux. J'ai toujours rêvé d'aller étudier là-bas. Ton rêve à toi c'est de te promener de ville en ville, ton appareil photo à la main.

— D'accord, d'accord ! ai-je dis. Si je décidais de laisser tomber l'université...

— Là, tu parles ! s'est exclamée Sacha.

— Il me resterait tout de même un problème majeur : l'argent. Je ne peux pas voyager sans le moindre sous.

— Trouves-toi un travail.

— Facile à dire !

— On est au mois de février, Logan. Si tu comptes partir en septembre prochain, tu as tout le temps qu'il te faut pour te trouver un emploi et récolter l'argent nécessaire.

J'ai réfléchi à ce qu'elle disait. Plus elle s'exprimait, plus je me disais que cette fille était brillante. Par simple plaisir, j'aurais pu la contredire pendant des heures, mais dans ce cas-ci, j'aurais eu bien de la difficulté à l'emporter. Elle avait raison sur toute la ligne.

— Je déteste parler de trucs d'adulte, ai-je dit.

— T'as peur de vieillir, Peter Pan ?

— Oui ?

— C'est une question ou une affirmation ?

J'ai haussé les épaules.

— Va savoir. Je n'arrive toujours pas à assimiler le fait que dans six mois, on sera lâché dans le monde des grands. Les responsabilités, les incertitudes... Ça fait peur, tu ne trouves pas ?

— Je crois que tu es déjà une personne suffisamment responsable, Logan.

Elle m'a souri.

— Tu vois ce que je veux dire, lui ai-je lancé.

Un silence s'en est suivi. Sacha me scrutait du regard, ses magnifiques yeux bleus analysant chaque parcelle de mon visage.

Je n'étais plus autant surpris de sa présence, comme je l'avais été lorsque nous commencions tout juste à nous fréquenter. À vrai dire, ces deux dernières semaines, j'avais plus souvent vu Sacha que je n'avais vu mes propres parents. Après les cours, nous traînions dans le parc d'amusement et même s'il me foutait toujours autant la chienne, j'y passais de bons moments. Le vendredi soir, je me rendais chez elle. Nos soirées consistaient à discuter, à Sacha m'éduquant sur les romans classique (conclusion : j'étais un cas désespéré à ses yeux), puis nous nous empiffrions de petits gâteaux. Le samedi matin, elle se pointait chez moi vers dix heures, alors que je dormais encore. Ses habitudes de lève-tôt avaient tendance à irriter mes parents qui tenaient fortement à leur samedi matin tranquille.

La théorie des cactusWhere stories live. Discover now