5ème chapitre

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Chevaliers de Gorre et d'ailleurs se reculèrent, et au centre du cercle presque parfait qui se forma alors, Méléagant et son opposant se fixèrent en silence. Pas un mot n'avait été prononcé depuis que le prince noir avait élevé la voix, pas un cri n'avait été poussé, pas un souffle n'avait été plus haut qu'un autre. Au loin, même les bruits de la bataille qui faisait rage semblaient petit à petit disparaitre pour ne laisser que ce silence pesant, annonciateur de tempête.

A travers la fente de son heaume, Guenièvre remarqua toute l'envie du chevalier à en découdre avec son oppresseur. Ses yeux, d'une couleur marron chaude, lui donnaient un regard profond et perçant. A travers eux, la jeune femme pouvait lire sa détermination, son envie, sa bienveillance et il lui était aisé d'imaginer ses autres traits, bien que cachés par l'imposant heaume. Ses pensées dérivèrent, elle voulut qu'il le retirât pour qu'elle puisse l'observer encore plus à sa guise, pour qu'elle puisse s'avancer et apposer ses mains de part et d'autre de ce visage. Avait-il les traits aussi bienveillants que son regard le laissait penser ? Son visage était-il carré et trapu, marqué ci et là d'une cicatrice, témoin de précédent bataille, ou était-il fin et noble, comme le laissait penser une telle aura ? Avait-il les cheveux noirs jais, aussi noirs que la nuit présente où il tentait de la libérer, ou blond comme le blé ? Qu'en était-il de sa bouche, de ses joues, de son front, de chaque parcelle cachée à elle ? Avait-il même ne serait-ce qu'une barbe ? Prise dans ses fantasmes, la fille de Carmélide oublia un instant la dure réalité, celle où deux hommes continuaient à la maintenir immobile. Seul comptait cet homme qui l'intriguait, qui l'attirait.

Ce fut le bruit du fer contre le fer qui ramena Guenièvre parmi les hommes. Méléagant, impatient, avait chargé son opposant qui para le coup avec agilité. Le combat s'annonçait difficile sans écu pour se protéger. Chaque coup d'épée porté pouvait sonner le glas de l'un des deux adversaires, chaque goutte de sang versé pouvait être la goutte de trop. Et même en sachant cela, les deux chevaliers se battaient à corps et âme. Et la jeune femme observait, la boule au ventre, toute sa foi tournée vers le preux chevalier.

Le coup paré, Méléagant ne se démonta pas et asséna un nouveau coup droit sur le flan de son adversaire. Le chevalier l'évita, se reculant et chargea pour la première fois depuis le début du combat, visant le bras du prince noir, qui l'évita. Cette danse dura deux, trois, quatre fois et pour chaque coup que le chevalier inconnu parait, Guenièvre retenait son souffle, effrayée que ce ne soit celui de trop. Méléagant était plus fort que lui, incontestablement. Et pourtant, il tenait, mu par une force incroyable, il ne montrait aucun signe de fatigue. C'en était prodigieux.

Alors que le prince de Gorre tentait de s'infiltrer dans une ouverture afin d'occire son opposant, Guenièvre vit du coin de l'œil de nombreux autres chevaliers arriver. Quand l'un d'entre eux passa à la lumière vive d'une torche, elle reconnut ses bannières auprès d'une autre arborant un magnifique dragon doré. Une joie incommensurable l'envahit et elle sut qu'ils étaient victorieux. Ce n'était plus qu'une question de minute.

Le prince de Gorre le vit aussi, et prit d'une colère sombre, il hurla sa colère et fondit sur le chevalier qui ne s'y attendait pas. La lame s'enfonça dans son flan et un cri de douleur étouffé raisonna dans la cour. Un hoquet prit la jeune femme quand elle vit un sang écarlate s'écouler de la blessure alors que Méléagant retira son épée. Déstabilisé, le jeune chevalier s'appuya sur son épée, grogna, puis s'arma à nouveau. Comme jamais, il asséna une pluie de coups rapprochés sur son adversaire qui dut reculer tant la force de ceux-ci le décontenançait. Un autre coup, le coup de trop pour Méléagant, et l'épée du prince de Gorre lui échappa des mains. Le chevalier inconnu vit alors son opportunité et d'un coup de pied il l'envoya à terre avant de le prendre en joug de sa propre épée. Des cris de liesses vinrent de derrière lui pour célébrer sa victoire. Au fond d'elle, Guenièvre voulut elle aussi crier sa joie. Elle était sauve.

La légende du Roi Arthur - 7 jours pour rêver l'impossibleWhere stories live. Discover now