Carnaval- Le commencement

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Carnaval Time! Lecommencement

Les costumes en polyester luisent au soleil. Multicolores. Pas un pli. Leur aspect lisse ne peuvent relever que de la magie alors qu'ils sont portés par des gens déchaînés qui se contorsionnent à chaque seconde.

On entend la musique au bout de la rue. Le groupe n'est plus très loin. Les carnavaliers vont en guerre. En guerre contre l'ennui. De nombreux tambours rythment la marche guerrière. Le premier trublion apparaît puis un second, puis ils sont une dizaine, il en arrive d autres. En renfort. Des petits, des grands, des ronds, des maigres. Des jeunes, des vieux. Tous en uniforme. Tous déguisés. Devant, il y a leur drapeau de ralliement. La banderole. Ils ont la fête pour patrie. Il n'y a d'ordre que celui des couleurs, d'autorité que celle dictée par des peaux de cabris étendue sur des caisses de résonnance ou celle des caisses claires au coffre plus aigu.

L'escouade des bacchanaliens défile. Mardi gras, c'est le 14 juillet des forces déguisées. Cette année, le thème, c'est la mer. Parmi les déguisements de crabes et de poisson, des sirènes. Les mouvements ont été répétés, les chorégraphies étudiées, les chants traditionnels résonnent comme des promesses d en découdre avec les autres groupes. Entrecoupés de cris inspirés des onomatopés de douleur : Aïe Aïe Aïe...chantés sur tous les tons.

On va peut-être le revoir, marmonne Maïra.

Ce serait bien, c est pour lui qu'on est là, je te rappelle, répond Elijah.

C'est qui ? Demande Jonas a Maïra qui se mord la lèvre avant de répondre tout bas en inclinant la tête vers Jonas.

Celui qui m'a fait détester le carnaval pendant longtemps.

Tous les ans, pour le carnaval. Les créatures démoniaques, les fantômes et autres surnat' parviennent à se glisser dans notre monde. Et eux aussi se déguisent. Ils sont camouflés pour passer inaperçus. Sapotiy et ti Mons' se déguisent en enfants inoffensifs dont nul ne sait à qui ils sont, la dame blanche est une femme seule habillée de blanc mais les plus dangereux sont les diab'.

Tous les ans à la même date, je vois de plus en plus de créatures s'inviter parmi nous, s' immiscer dans la foule, s'infiltrer parmi les festivaliers et je croyais que j'étais la seule à les voir. Mais les créatures ne peuvent être vues que de rares personnes. Elijah et moi en faisons partie. Alors elles ont tout loisir de te faire peur et personne ne te croira.

Pour moi, le cauchemar a commencé quand les créatures ont réalisé que je les percevais sous leurs vraies formes. Je devais avoir 11 ans. Je voyais leur vraie apparence. Les sapotiy sont des enfants abominables aux yeux de démons exorbités qui te fixent intensément et tu crois voir l'enfer. Les Ti Mons' sont des créatures que tu n'imagines même pas. Mais j'avais surtout peur des démons qui sont plus facétieux. Pour tout le monde, les diab' du carnaval sont des hommes recouverts de roucou. Mais cette peau là n'était pas recouverte de roucou. elle était rugueuse. C'était comme un pneu...éclaté. Voià c'est ça, ça ressemblait à un pneu usé, avec des crevasses. Leurs traits de visage étaient anguleux. Comme les frères Bogdanoff. J'étais la seule à hêler comme une furie quand un diable marron faisait claquer sa queue démoniaque sur l'asphalte et venait m'attraper par les pieds sur le perron de la maison de ma grand-mère. Les autres ne voyaient qu'un idiot du village qui s'approchait de moi en gesticulant ses bras et en dandinant son arrière-train pour faire bouger sa fausse queue. On ne savait jamais qui s'était glissé dans ce costume mais on supposait toujours que c'était un habitant de la Ville qui s'était dévoué. Alors mes cris d orfraie face à un malheureux déguisement, cela semblait un peu surjoué. Mon grand-père était souvent étonné de mon attitude et avait fini par la mettre sur le compte de mon caractère " peureux et émotif".

Histoires CaribéennesWhere stories live. Discover now