Un flot de souvenirs déferlants

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Après m'avoir tous regardé,les yeux écarquillés, ne revenant pas de m'entendre parler si promptement avec de tels propos, une femme, qui devait avoir la quarantaine décida de se lancer en première, prenant une grande inspiration lorsqu'elle passa la porte. Je continuais à la suivre du regard, fixement, je l'analysais. Ses cheveux bruns lui allaient bien, je ne les aurais pas imaginé d'une quelconque autre couleur.Elle semblait nerveuse, je pouvais le voir à la façon dont elle tenait son sac à main, non pas par les lanières, mais lacérant le tissu, si fort que s'il était doté d'une vie, il aurait sûrement hurlé de douleur. Durant quelques minutes qui me parurent interminables, le silence régnait de nouveau. Je n'aimais pas ce silence qui pesait lourd sur mes épaules, durant lequel elle et moi on se regardait. J'avais un air interrogateur, et elle, un air désolé.

J'avais l'impression de ne plus savoir retranscrire une quelconque émotion sur le visage des gens pour pouvoir adopter une moue adaptée. Une fois de plus, le silence avait trop duré et ce n'est sûrement pas cette femme qui allait le rompre, elle me regardait comme si j'étais déshumanisé,et était déjà prête à pleurer. Alors je me suis levé et me suis doucement dirigé vers les photos à côté de mon lit, sans précipitation, j'avais beau faire le malin à me lever sans autorisation, je sentais que mes jambes, à tout moment, pouvaient lâcher.

Une fois arrivé à destination après 10 secondes de marche qui me parurent durer une éternité, je balayai du regard toutes les photos, jusqu'à ce que je la reconnaisse. Nous étions trois, elle, moi, et un homme qui paraissait avoir dans ses âges, on souriait, beaucoup, et moi aussi.

C'était devant une grande tour qui semblait pouvoir s'effondrer à tout moment, elle était penchée. Le ciel était bleu, ce jour là, apparemment, qu'est ce que ça pouvait être beau, un ciel immaculé de bleu, aujourd'hui,il était gris foncé, et le temps était pluvieux, tant qu'on pouvait distinguer le bruit des gouttes s'écrasant et arpentant la fenêtre de haut en bas. J'aimais aussi l'expression de mon visage,je semblais vraiment être heureux, contrairement à aujourd'hui. Sans m'en rendre compte, je restais, bloqué, sur cette photo.Cependant je sentis une main apposer une légère pression sur mon épaule, et mon premier réflexe fut de directement me braquer et de me reculer. C'était cette dame, je pense que je n'avais rien à craindre, et puis, elle n'a pas manqué, de directement s'excuser.

Elle prit la photo à son tour en main, et me donna plus de précisions sur ce jour-ci. Mais avant de commencer, elle tenait à préciser que sur la photo, se trouvait à mes côtés mon père, et elle, ma mère. Je m'en doutais plus qu'un peu à voir nos sourires qui semblaient être synchronisés et notre complicité. Et puis, la façon dont elle se rendait malade de mon accident, rien ne pouvait être comparable à la douleur d'une mère et même si j'avais perdu quelques réflexes humains, j'étais encore capable de reconnaître une telle douleur. C'était en été,il y a 5 ans, lors de notre voyage en Toscane. J'avais 12 ans, et j'étais très étonné de voir que la Tour, qu'on nommait la tour de Pise, était penchée, je pensais qu'elle pouvait à tout moments'effondrer. Ma mère disait que j'étais hyperactif à cet âge là et que rien ne pouvait m'arrêter, si bien que je voulais monter tout en haut juste pour pouvoir admirer la vue. Ce ne semblait pas être des mensonges, je me sentais capable d'imaginer avoir envie de regarder l'immensitude d'un paysage, rien que la vue de ce ciel en photo pouvait m'apaiser. Après l'avoir écouté, je lui ai timidement demandé, comment j'étais, avant. Elle m'a tout simplement répondu, que j'étais tout ce qu'elle voulait me voir devenir, en affichant un sourire très réconfortant. Je ne sais pas ce qui m'a pris suite à ces paroles, mais j'ai senti comme l'effet d'un baume au coeur, puis d'une boule au ventre. Elle continuait de me décrire et son regard avait changé, il était nostalgique et on sentait dans sa voix une sorte de regret, mais ses yeux, eux,affichaient une lueur d'espoir quand elle en parlait. J'étais un garçon perturbateur quand j'étais petit, vraiment, je leur donnais du fil à retordre, mais à partir de mon entrée au collège, je me suis beaucoup calmé. J'étais intéressé par beaucoup de choses,mais peu étaient scolaires, alors je faisais le strict minimum.J'étais le genre de garçon qui, d'après mes professeurs,n'utilisait pas toutes ses capacités. Mais je leur répondais toujours que je préférais les garder pour accomplir des choses hors de l'école, car c'était ça qui ferait la différence plus tard,que je ne voulais pas me contenter d'apprendre bêtement un programme que l'on m'aurait imposé. Je voulais moi-même expérimenter ce qui me plaisait. J'ai toujours aimé argumenter pour tout et n'importe quoi, je disais toujours à ma mère que chaque idée même les plus folles pouvaient être acceptées si on savait bien les amener. Elle rigolait souvent de voir à quel point je me battais déjà si jeune pour mes idées, elle me disait souvent que ça lui rappelait mon père, dans ses anciennes années. J'aimais beaucoup le chant, la musique, tout ce qui était lié au mots. Que souvent en grandissant,je partais le soir dans mon village dans un coin tranquille avec mon ordinateur pour écrire, et regarder le ciel parce qu'il m'inspirait. Je le trouvais calme, tranquille, c'était tout le contraire de ce qui se passait en bas.

J'ai tout oubliéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant