— Sacha joue du piano ? ai-je demandé, curieux.

— Oui, depuis qu'elle a six ans. Elle ne t'en a jamais parlé ?

— Non.

— Eh bien, elle doit être timide. Quand elle était plus jeune, nous devions presque la forcer pour qu'elle monte sur scène. Sacha avait horreur d'être sous le feu des projecteurs. Pourtant, elle était très douée.

Je n'ai rien dit. J'avais tout simplement du mal à croire que Sacha Macleod, la fille qui n'avait pas froid dans le dos, avait déjà eu peur de performer devant un public. Elle n'avait rien d'une fille timide. À vrai dire, lors d'un exposé oral, elle démontrait beaucoup d'aisance et de facilité. C'était comme si rien n'arrivait à la gêner. Elle m'était toujours apparue comme la fille qui n'avait peur de rien, pas même de l'opinion des autres. Encore une fois, peu-être s'agissait-il simplement d'une idée préconçue que j'avais à son sujet.

Du coin de l'oeil, j'ai aperçu un homme à la barbe grisonnante et à la calvitie avancée qui s'affairait dans la cuisine. Il devait s'agir du père de Sacha, même si je ne leur voyais pas grandes ressemblances. L'homme dans la quarantaine m'a remarqué. Il m'a souri et m'a salué d'un simple geste de la main.

— Tu peux attendre ici, m'a suggéré Denise. Sacha devrait descendre sous peu.

J'ai hoché la tête et elle est repartie. Il fallait croire que cette dame avait de nombreuses occupations. Je suis donc resté immobile dans le vestibule, mal à l'aise. Je n'avais pas l'impression d'être à ma place, ici. Heureusement, Sacha est venue à la rescousse quelques minutes plus tard. Elle a descendu le grand escalier qui me faisait face, vêtue d'un jeans et d'un chemisier. J'ai souri, soulagé de la voir débarquer.

— Tu es pile à l'heure. Ça ne m'étonne pas trop de ta part.

— Serais-tu en train de me coller une étiquette ? lui ai-je demandé, amusé.

— Non, c'est loin d'être mon genre.

Sacha a souri.

— Je me contente des faits, a-t-elle ajouté.

Elle s'est approchée de moi tranquillement. Ça me faisait tout drôle de me tenir dans le vestibule de sa maison, entouré de ses parents et de son quotidien. J'avais l'impression de percer une part de son intimité. Peut-être que si je m'aventurais davantage sur ce genre de terrain, j'aurais plus de chance de percer le mystère qu'était Sacha Macleod.

— Allez, suis-moi, a-t-elle dit en m'agrippant par le bras.

J'ai suivi Sacha dans l'escalier, le coeur battant. Sous nos pieds, les marches en bois craquaient. Il y avait quelque chose de particulier à cette maison : un mélange de vieux et de moderne. Derrière l'allure parfaite de chaque élément se cachait un défaut. Le moderne cachait toujours une partie plus ancienne de la maison, comme si les propriétaires actuels avaient voulu camoufler la nature du lieu, mais qu'ils n'y arrivaient tout simplement pas. Autant dire que ça me plaisait bien.

Nous nous sommes arrêtés à l'étage. Sacha m'a lâché le bras, mais m'a tout de même invité à la suivre.

— J'ignorais que tu jouais du piano, ai-je dit.

La jolie blonde a froncé les sourcils, mais ne s'est pas retournée.

— Je n'en joue plus depuis deux ans et demi.

— Ah bon ? me suis-je étonné. Pourtant ta mère...

— C'est l'excuse que je lui donne pour expliquer mon retard. En fait, je vais au parc d'attraction.

— Ta mère n'a toujours rien remarqué ?

— Non, elle est beaucoup trop occupée pour ça.

Nous nous sommes engagés dans un corridor. Enfin, Sacha s'est engagée. Moi, je n'ai fait que la suivre. J'avais dans l'idée que si je perdais Sacha de vue, j'allais complètement me perdre dans cette maison et ça, ce serait une catastrophe.

La théorie des cactusWo Geschichten leben. Entdecke jetzt