— Je suis impressionnée, a-t-elle dit. Quelles sont tes premières impressions ?

— C'est prétentieux.

La jolie blonde a haussé les sourcils.

Prétentieux ?

— Oui. Il y a quelque chose dans la manière dont c'est écrit... Ça ne me plaît pas trop.

— Ah bon ?

— Et puis, le personnage principal n'a rien d'attachant. Il n'est qu'un figurant.

— Un figurant ? s'est étonnée Sacha.

— C'est l'histoire de Gatsby et de Daisy qui nous intéresse. On veut savoir ce que Gatsby ressent à certains moments de l'histoire, pas ce que Nick pense qu'il ressent.

— Tu es difficile, Logan.

— Parce que je n'aime pas les figurants ?

Sacha a souri. Selon moi, son sourire était l'un des plus beaux. Lorsqu'elle souriait et que c'était sincère, son visage semblait s'éclairer et ses yeux, s'illuminer. L'espace d'une seconde, les yeux de Sacha pouvaient déborder d'innocence et de naïveté, loin de l'univers qui semblait l'habiter habituellement. Elle avait l'air plus jeune, moins blessée.

— Ne sommes-nous pas tous les figurants de la vie de quelqu'un ?

Ça m'a fait réfléchir. Une fois de plus, Sacha Macleod marquait un point. Seulement, par orgueil, je n'ai pas répondu. J'ai laissé planer sa question en suspens, mes yeux rivés sur les siens. Autour de nous, les gens avaient commencé à nous jeter de petits coups d'oeil indiscrets. Ils devaient se demander ce que je faisais avec Sacha. J'étais même prêt à parier que dans moins d'une heure, des rumeurs allaient se mettre à circuler dans l'école. Les regards inquisiteurs des autres ne semblaient pourtant pas gêner la jeune femme.

— Si tu n'aimes pas ce roman, comment se fait-il que tu sois rendu aussi loin dans ta lecture ? m'a-t-elle demandé.

— Je n'ai jamais dit que je ne l'aimais pas.

— Alors, ça te plaît ?

— Disons que c'est accrocheur.

Allez savoir pourquoi, ça l'a fait rire.

— Tu es un cas désespéré, Logan. Vais-je un jour parvenir à te faire apprécier ce chef d'oeuvre ?

— J'en doute, ai-je plaisanté.

Elle m'a adressé une légère tape amicale et je n'ai pu m'empêcher de sourire. Puis, un silence s'est installé entre nous. Il n'y avait rien de dérangeant à ce silence, bien au contraire. En effet, il y avait quelque chose d'agréable à ce calme qui nous entourait. Nous nous sommes fixés, sans dire un mot. J'ignorais ce que j'étais censé dire ou faire, alors je suis resté immobile, ne quittant pas mes yeux des siens.

— Tu sais, parfois, il faut aller au-delà de ses premières impressions.

— Tu ne parles pas uniquement du livre, pas vrai ?

Elle n'a pas répondu. Son regard s'est perdu derrière moi.

— Je crois que ton ami t'attend.

Je me suis retourné. Lawrence se tenait près de la machine distributrice, l'air de rien. Seulement, mon ami n'était pas reconnu pour sa subtilité. En effet, parfois, il lui arrivait de nous lancer de petits regards indiscrets qui ne m'échappaient pas.

— Il peut bien attendre encore un peu, ai-je lancé.

Sacha a ri.

— Je peux te poser une question ?

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant