— Tu connais ? s'est-il étonné. C'est plutôt ringard comme endroit, tu ne trouves pas ?

— En fait, c'est mon grand-père qui avait l'habitude d'y aller quand il était gamin. Il m'en a un peu parlé et j'ai assumé que c'était peut-être lié à ta famille... Il faut croire que j'ai vu juste !

J'étais peut-être un piètre menteur, mais j'arrivais aisément à faire gober n'importe quoi à un imbécile. Cole Stevens en était la preuve.

Un drôle de silence s'est installé entre nous. Ça me semblait plutôt irréaliste de faire face à ce gars. Nous étions à la même école depuis quatre ans et pourtant, il ne m'avait jamais donné de son attention. Nous avions parcouru les même corridors et partagé quelques cours, mais il ignorait encore mon existence jusqu'à ce jour. Je me suis demandé si c'était également le cas pour Sacha. Peut-être qu'elle ignorait que j'existais avant cette nuit du Nouvel An. Tout le monde connaissait les gens au sommet de la hiérarchie. Qui nous connaissait ? À leurs yeux, nous devions faire partie de ce « tout le monde », cet ensemble de gens qui constituent uniquement la part de figurants qui décorent leur vie. Peut-être avais-je tort et que j'étais simplement l'un des rares élèves de mon école à retenir les visages des gens que je côtoyais. Je parvenais même à associer chaque visage à un prénom. C'était peut-être moi qui contrastait avec les autres, tout compte fait.

Sacha s'est subitement tournée vers Cole, un sourire sur les lèvres.

— Tu pourrais nous laisser discuter, Cole ? Logan et moi devons bosser sur un projet d'arts plastiques.

Cette fille était soit une excellente menteuse, soit Cole était tout simplement stupide. Sacha n'était même pas inscrite à mon cours d'arts. Néanmoins, Cole semblait avoir oublier ce détail. Il nous a regardé un à un, avant de nous décrocher un sourire.

— On se retrouve en cours, dans ce cas.

Puis, il s'est tourné vers moi.

— Ravi de t'avoir rencontré, Campbell.

Je me suis forcé à lui sourire, alors qu'il s'est penché pour déposer un baiser furtif sur les lèvres de Sacha. En vérité, je luttais contre l'envie de grimacer.

Lorsque Cole Stevens a disparu à l'angle du corridor, mon sourire m'a lâché et j'ai regardé Sacha.

— Pourquoi tu sors avec un idiot pareil ?

La blonde a levé les yeux au ciel.

— Il n'est pas idiot.

— Si, il l'est, ai-je rétorqué. Il arrive à gober n'importe quoi ! Arts plastiques, sérieusement ?

— Ce n'est pas comme s'il était au courant de tous mes faits et gestes.

— C'est ton copain ! Il devrait savoir que tu n'es pas en arts, non ?

— Laisse tomber, Logan.

À l'expression qu'elle affichait, j'ai conclu qu'il valait mieux obéir. Et puis, pas question de me mettre à dos Sacha. J'aimais bien l'ambiance qui régnait entre nous et je n'avais pas envie de tout gâcher pour une idiotie pareille.

Sacha s'est rapprochée de moi, assez prêt pour que je sente sa respiration sur mon cou. Elle m'a regardé de ses deux beaux grands yeux bleus. Nous nous sommes fixés un moment, puis son regard est tombé sur l'exemplaire de Gatsby le magnifique que j'avais entre les mains. Un sourire s'est glissé sur ses lèvres.

— Alors, tu as commencé à le lire ?

— Je ne pouvais pas accepter d'être pris pour un menteur plus longtemps.

La théorie des cactusWhere stories live. Discover now