Chapitre 5

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Pendant les jours qui ont suivi, Luna a fait de nombreux efforts pour réduire la distance entre Clara, Mathilde et elle. Mes amies ne l'ont pas interrogée sur son soudain éloignement, puisque je les en ai dissuadées. Ce fut difficile de renouer des liens si brutalement détruits, mais le temps nous a beaucoup aidées. Nous avons retrouvé la Luna du bowling, extravertie et confiante, qui nous avait manqué même si aucune d'entre nous n'oserait le dire. Désormais, nous ne nous quittons plus.

Bien que la situation se soit améliorée, mes doutes et mes interrogations restent infertiles. Quelle est cette émotion qui me submerge, lorsque je regarde Luna ou lui parle ? J'ai beau n'être qu'une simple lycéenne qui expérimente des sentiments inconnus, je me doute de leur signification. Et celle-ci m'effraie, me réconforte, me perd peu à peu. C'est à n'y rien comprendre.

Tout ce que je parviens à saisir, c'est qu'il ne s'agit sûrement pas d'amitié.

Je dois pourtant faire avec. C'est ainsi que quelques semaines plus tard, j'ai acquis un nouveau rôle : celui d'équilibriste. Mes émotions, aussi incompréhensibles qu'au premier jour, me poussent vers Luna, mais je me contiens pour ne pas délaisser mes deux autres amies. Je les connais assez pour savoir qu'elles deviendraient vite jalouses. Je m'efforce de restreindre mon envie insatiable de rester à ses côtés, pour le bien de notre amitié commune. Que penseraient-elles si je les abandonnais pour Luna ? Je ne veux même pas le savoir.

La journée s'écoule lentement, comme d'habitude. Les heures se succèdent et finalement, le dernier cours commence : celui de mathématiques. Lorsque la professeur nous apprend que nous allons faire un travail de groupe, Luna, Mathilde et moi-même nous retournons vers Clara, l'espoir illuminant nos regards. Elle soupire et hausse les épaules : elle ne se l'avouera jamais, mais elle est trop attentionnée pour nous laisser nous débrouiller seules.

Après avoir déplacé nos chaises, comme le reste de la classe, nous ouvrons le manuel et nous nous penchons sur l'exercice en question. Mathilde retient de justesse un cri d'indignation en découvrant que celui-ci fait les deux tiers de la page. Clara, quant à elle, est déjà en train de réfléchir. Je ne comprendrai jamais sa passion pour les chiffres, mais il faut avouer qu'elle sauve souvent notre moyenne. Alors je garde le silence, pour ne pas la déconcentrer.

Quelques minutes plus tard, Clara nous a donné les solutions et Luna s'est appliquée à les recopier proprement, sur la feuille que nous rendrons à la fin du cours. Pendant que le reste de la classe tourne en rond, certains groupes discutent entre eux : ils ont dû finir, eux aussi. Lorsque je me reconcentre sur la conversation de mes amies, je suis vite désintéressée : Mathilde et Clara débattent encore sur les garçons du lycée. Je pose mon menton dans ma main, et me contente de les écouter.

- Puisque je te dis que le plus fidèle, c'est Thomas ! Il n'a jamais été mêlé à une quelconque histoire.

- C'est normal, il n'a jamais été en couple, raille Clara.

- Comme si tu n'étais pas dans le même cas, rappelle Mathilde, un rictus moqueur au coin des lèvres.

- Hé, j'ai déjà été en couple !

- C'était en cinquième, ajouté-je, voulant prendre part à la discussion. Ça ne compte pas.

- Tu es pareil que moi, Océane, alors ne la ramène pas, me répond Clara.

Mathilde change de sujet en rappelant, une énième fois, que Quentin est de toutes façons le meilleur qui soit, qu'il deviendra l'homme de sa vie, et je n'ai pas retenu la suite, puisque Luna s'est tournée vers moi à ce moment-là.

- Tu n'as jamais été amoureuse ? me demande-t-elle, soudainement intéressée.

J'oublie parfois qu'on ne se connaît que depuis cette année. Evidemment, elle ne sait pas tout ce qui me concerne.

Elle aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant