1. Lilly

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— Je n'arrive pas à y croire !

Les yeux noirs de Rose jetaient des éclairs. Je me mordis les lèvres. J'étais trop fière pour pleurer dans ce bar à cocktails de la cinquième avenue où tout le gratin New-Yorkais venait boire des sex on the beach à dix-neuf dollars.

Je travaille chez PRN, la plus grosse agence de publicité de NYC et je croise régulièrement des clients dans ce genre de Club.

— Il me dit qu'il ne sait pas qui choisir, qu'il nous aime toutes les deux et...

Je ne pus finir ma phrase, ma voix s'était étranglée. Je repassais dans ma tête les mots que Jack avait prononcés la veille au soir.

J'ai rencontré quelqu'un. Je ne sais plus quoi faire. Je ne supporte plus de te mentir.

Dix ans qu'on était ensemble. On s'était rencontrés à dix-sept ans, lors de notre première année d'université. J'attendais une demande en mariage en bonne et due forme et ce salaud se tapait son assistante depuis neuf mois.

— Quel connard ! s'exclama Rose en agitant la main en direction du serveur Avec qui il faut coucher ici pour qu'on vienne prenne notre commande ?

Ben, le serveur, s'approcha le sourire aux lèvres. Il avait toujours été un peu amoureux de Rose. Il faut dire que ma meilleure amie, portrait craché de Beyoncé, aux bracelets cliquetants sur sa peau café-au-lait avait tout New York à ses pieds (et dans son lit).

Deux minutes plus tard, Ben nous apportait deux Cosmo dans des verres à cocktails.

— Offert par les deux mecs là-bas, dit-il avec un clin d'oeil en désignant un groupe d'hommes à l'autre bout du bar, qui nous regardaient avec un sourire.

Rose leur fit un sourire de remerciements. Je détestais qu'on me paye des verres, j'étais suffisamment indépendante pour ne pas avoir besoin d'être achetée de la sorte et je n'aimais pas être redevable.

— Dis-leur que c'est gentil, mais qu'on reste entre filles, dis-je à Ben, on va payer nos consos.

Rose mima une moue excédée.

— On attend vingt minutes notre cocktail et en plus il faut qu'on le paye.

— Désolé pour l'attente, dit Ben, mais on a une soirée privée dans le salon VIP et il manque du staff. Il parait que c'est une soirée un peu chaude, reprit-il sous le ton de la confidence.

Il déposa une tranche d'orange au bord de nos verres, je repartis dans mes pensées.

— Ça va Lilly ? Tu as une petite mine...

Je me forçais à sourire à Ben. Avec sa chemise remontée sur ses avant-bras tatoués et son veston, il faisait rêver toutes les clientes du Sparks Club.

— J'ai eu des jours meilleurs, mais ça va aller, marmonnai-je.

Ben me connaissait suffisamment pour savoir que je lui cachais quelque chose. Il se contenta de sortir deux verres à shots de sous le comptoir et les posa devant Rose et moi.

— Allez, ceux-là c'est moi qui offre et tu ne peux pas dire non, Lily.

J'ai remercié, fait claquer mon shot sur celui de Rose et nous avons croisé nos bras pour l'avaler cul sec, comme nous faisions à l'université.

— Et voilà mon quatre-heures, murmura tout à coup Rose.

J'ai suivi son regard. Un homme venait de rentrer au Sparks. Il marchait comme si l'établissement lui appartenait. Il était grand, un bon mètre quatre-vingt-cinq, peut-être plus, des épaules larges qui dégageaient une force tranquille, sur sa mâchoire volontaire poussait une barbe brune de quelques jours. Mais ce sont ses yeux qui ont accroché mon regard. Ils étaient aussi bleus qu'il était brun. Sous la chemise amidonnée et la cravate bien sage, j'imaginais des tatouages sur les muscles tendus. Sans le costard Armani impeccablement coupé, il aurait eu l'air d'un pirate. Son regard pénétrant descendit avec nonchalance le long de mon corps et un frisson remonta dans mon dos. Je regrettais la robe dos nue que j'avais enfilée. J'avais l'impression qu'il voyait en dessous aussi clairement qu'à travers une vitre. Je ne m'habille jamais de façon sexy, mais j'étais dans un tel état ce soir-là, que je m'étais laissé convaincre par Rose d'enfiler cette minuscule robe noire, ultra courte et moulante qui mettait en valeur ma peau de porcelaine. J'avais lâché sur mes épaules mes longs cheveux noirs, que Rose avait lissés, ainsi que ma frange. Elle m'avait maquillée à outrance, les yeux charbonneux et les lèvres, que j'ai pulpeuses, rouge vif. Il avait fallu qu'elle me tire hors de l'appartement pour que j'accepte de sortir dans cette tenue. Je ressemblais à Blanche Neige qui serait allée arrondir ses fins de mois sur un trottoir du Bronx.

Je me réveillais brutalement de ma rêverie et réalisai que l'homme avait une fille pendue à chaque bras. Deux blondes filiformes en robes dorées.

— Tu as vu comme il te regarde ! s'exclama Rose, il est tellement sexy, va lui parler !

— Jamais de la vie !

— Écoute, Jack t'a trompée, peut-être qu'il reviendra, peut-être qu'il ne reviendra pas, mais ce soir c'est ta chance ou jamais de te taper un autre homme. Tu te rends compte que tu n'as couché qu'avec un mec dans ta vie ?!

Je haussai les épaules et détournai mes yeux du playboy.

— Et alors ? Jack était l'homme de ma vie, je n'avais pas envie d'aller voir ailleurs.

Je notais l'utilisation du passé. « Était » l'homme de ma vie. Plus maintenant. Jack et moi étions « en pause ». Il réfléchissait s'il préférait l'autre à moi. Il faisait la liste de ses qualités à côté de celle de mes défauts pour choisir. La choisir elle, sans aucun doute.

— Je crois qu'il vient vers nous, murmura Rose.

Elle réajusta sa robe et fit semblant de ne rien remarquer. Son attitude me fit sourire : elle passait en mode drague.

— C'est pas mon genre de toute façon.

— Pas ton genre? Rose éclata de rire. Ce mec-là, darling, c'est le genre de tout le monde. Il doit être au sexe ce que le Nutella est à la bouffe : universel.

Je me penchai vers Ben.

— Tu m'en fais un autre, s'il te plait, demandai-je. Puis me tournant vers Rose, t'en sais rien, je suis sûre qu'il a un micropénis.

C'était le genre de blague qui en temps normal aurait fait rire Rose, mais ses yeux s'agrandirent comme si elle avait tenté de me prévenir de quelque chose. Trop tard. Je me retrouvais soudain nez à nez avec notre Playboy. Il avait aux lèvres un demi-sourire ironique et je réalisai avec horreur qu'il m'avait entendue. J'ouvris la bouche, la refermai, la rouvrit.

— Ben, dis-je avec un rire stupide, je parlais de Ben. Ben a un micropénis, n'est-ce pas Rose ?

J'appelais ma meilleure amie à la rescousse d'un regard suppliant, à ce stade j'étais plus rouge que si je revenais de deux semaines de vacances sous un trou de la couche d'ozone. Ben me jeta un regard assassin.

L'homme se pencha alors vers moi et murmura à mon oreille.

— Je serais ravi de te démontrer preuves à l'appui que ton soupçon est infondé, Blanche-Neige.

Il avait une voix grave et chaude, assurée. Je le dévisageai, incapable de répondre quoi que ce soit. Son regard caressant s'arrêta sur mon décolleté. Puis il tourna les talons, toujours suivi des deux blondes qui me jetèrent un regard haineux. Ils disparurent tous les trois derrière le rideau du carré VIP.

— Whaou, dit Rose, regarde-moi ce cul, je viens d'avoir un orgasme. 

New-York Bad Boy Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant