I.

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Et ça brûle dans l'océan.


Et ça grésille dans les oreilles.


Et un corps s'affaisse.


Et l'eau prend feu.








Les doigts crispés sur son siège, les jambes serrées et le dos droit, JungKook est prêt pour le décollage. Le pilote déblatère les formules habituelles, tandis qu'il attend patiemment que la carlingue métallique se mette en branle.

Et transperce les cieux, dans son ballet de nuages.

La voix masculine laisse place à une autre, puis au personnel de cabine, et enfin l'avion tressaute sur le bitume glacé. Il prend de la vitesse, et JungKook sent les secousses jusque dans son crâne. Il mâche ardemment le chewing-gum qu'on lui a conseillé à l'embarquement. Ses oreilles se bouchent successivement, et se décoincent lorsqu'il en prend un autre.

Sur la plaquette devant lui trône un livre neuf, qui sent encore le plastique de son emballage. Et son téléphone repose à côté, soigneusement verrouillé.

La femme à sa droite tousse dans sa main ; puis la repose près de la sienne et il se décale d'un geste écœuré. Sa mère a toujours fait la chasse aux microbes, et il poursuit sa quête de propreté dans son cerveau rigide. Il jette un coup d'œil au hublot, qui, deux places plus loin, donne sur la ville maintenant minuscule.

L'aile grise fend le vent et le soleil se couche sur le pays qu'il quitte à présent. Les toits enneigés se fondent ensemble dans une palette de couleurs ternes, et JungKook pense que malgré tout, la Norvège était un beau pays.

Lors de la montée, deux hôtesses de l'air présentent d'un air las les issues de secours, miment la chute des masques oranges et délivrent les consignes ; il écoute attentivement, avec la peur latente qu'il y a une petite possibilité pour que ça lui serve.

Lorsque les deux hôtesses disparaissent, l'enfant qui a la place adjacente au hublot bouge et occupe toute la vitre, alors JungKook s'en détache pour observer les autres passagers. Il compte distraitement les quelques cheveux restants sur un crâne rongé par une calvitie sévère, regarde les longs cils d'une jeune étudiante, et les mouvements anxieux d'un couple aux yeux bleus.

Puis, quand il vu tout ce qu'il pouvait voir depuis sa place, il se saisit de son livre à la couverture noire. Le titre s'étale en grosses lettres blanches, au dessus d'un dessin sobre et sanglant.

Il commence à lire, pas vraiment convaincu. Mais les pages s'enchaînent si vite qu'il passe deux heures à le lire sans interruption. Il s'arrête quand, soûlé des mots riches, le héro meurt glorieusement en sauvant sa famille.

Alors qu'il déverrouille son téléphone pour écouter de la musique, les stewards passent dans l'allée avec leurs chariots bleus. JungKook relève la tête quand un jeune homme poli aux traits doux s'adresse à lui.

« - Désirez-vous boire quelque chose, monsieur ? »

Il hésite un instant, puis répond d'une voix cassée :

« - Juste de l'eau, s'il vous plaît. »

Le verre de plastique est froid dans sa main, et l'eau ruisselle dans sa gorge sèche. La démarche lente du steward s'éloigne, son dos dépassant du chariot carré. Le cerveau mou de JungKook devra attendre qu'il se penche devant l'homme bientôt chauve pour le reconnaitre enfin.

Ils se sont croisés dans les toilettes de la porte treize, quelques minutes avant le début de l'annonce de l'embarquement. JungKook sortait du cabinet blanc et sale quand leurs regards se sont percutés dans le miroir. Aucun des deux ne s'est détaché de l'autre, jusqu'à ce qu'un père passe entre eux, armé de son enfant hurleur.

Le ciel était noir | TaeKookHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin