Alors qu'il posait le bout de ses doigts fins sur l'une des feuilles entièrement rose et orange, un drôle de bruit le fit sursauter et le détourna de ses pensées. C'était comme une assiette cassée, un bruit clair de cristal ou de porcelaine au sol. Sans chercher à comprendre il s'accroupit au sol, pressant ses mains sur ses oreilles alors que les traits de son visage avaient pris la couleur de la peur. Il ne voulait pas entendre ce bruit, il résonnait en lui comme une musique macabre, chantant la fin de ses rêves.


Il se décida finalement d'ouvrir ses yeux, lesquels reflétaient une incertitude certaine, pour tomber sur un tout autre décor. Les sous-sols s'apparentant à un château étaient toujours là, mais le sol avait changé. Le carrelage grisé s'était transformé en un damier finement réalisé, un blanc sale et un gris foncé abîmé par endroit. Les carreaux étaient fissurés. Les murs, eux, étaient maintenant un vieux crépi crade s'effritant sans pitié, se laissant mourir sous la mousse de la nature qui cherchait à reprendre ses droits. Que se passait-il ? Où étaient passées les feuilles de lierre et de vigne qui grimpaient le long de pilier qui avaient eux aussi disparu ? Son cœur s'accéléra d'un coup, il se sentait essoufflé en un rien de temps.


Il voulait rentrer, se réveiller, sortir de ce rêve effrayant. Son visage tourna dans tous les sens et il manqua d'être paralysé par la peur et la panique en voyant une énorme statue devant lui. Un ange, les mains sculptées sur le visage de marbre, une longue chevelure ondulée coulant le long de son dos, de grandes ailes se recroquevillant autour du corps qui semblait fragile. Pourtant, à travers les doigts légèrement écartés, le jeune blond foncé pouvait discerner sans grand mal les pupilles, pourtant très blanches, le fixer avec insistance. C'était une simple statue, c'était ridicule. Il ne devrait pas avoir peur d'une simple figure de pierre. Il ne devait pas, pourtant son regard ne voulait pas s'en détacher. Son cœur ne voulait pas se calmer.


Il expira l'air de ses poumons fébrilement en détournant son regard lentement avant de remarquer que tout le sous-sol s'était rempli de ces anges pleureurs. Il sentait son corps trembler sous la panique, ses yeux émeraudes se remplir de larmes, ses mains se plaquaient sur ses joues et ses yeux, ne voulant plus voir cette vue qui s'imposait à lui. Pourtant, son corps sembla bouger seul lorsqu'il se releva et il retint un cri en voyant que la statue derrière lui s'était avancée. Elle se retrouvait à quelques centimètres de son dos, les mains en sa direction. Son cœur semblait vouloir s'arrêter sous la peur, il voulait se réveiller de ce rêve horrible, il ne voulait plus voir ça. Il voulait voir la réalité, retrouver son quotidien peut-être un peu ennuyeux, il ne voulait pas mourir là.


Sans qu'il ne s'en rende compte, toutes les autres figures de pierres s'étaient rapprochées, formant un cercle dont il était le centre. Toutes avaient les bras tendus vers lui, un air de démence peint sur le visage. Et alors qu'il sentait son corps se paralyser alors que les yeux de marbres se plantaient dans les siens, un cri sorti de ses lèvres en sentant les deux mains de pierre froide venues de la statue de derrière se plaquer contre ses yeux. Son monde se referma en même temps que le noir pris possession de sa vision, alors que ce froid glacial le parcourait jusque dans son âme. Et alors que tout tournait autour de lui, ses sens étant sollicités de tous les côtés, des geignements effrayés sortant de ses lèvres pâles, il se sentit partir en arrière. Il perdit tous ses repères, son monde bascula et il eut l'impression de se retrouver au sol. L'esprit noir et apeuré.


Un rire. Un rire résonnait, une voix mélodieuse, douce, presque enfantine. D'un coup le jeune blond eu l'impression que tout était revenu à la normale. Plus aucun bruit ne s'entendaient si ce n'était ce rire lointain. Quelques secondes, cela avait duré seulement une poignée de secondes, pourtant son corps était encore parcouru de tremblement irréguliers. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé, il ne comprenait rien du tout et il ne voulait pas comprendre. Ce seul rire suffisait à l'apaiser un minimum, ces quelques paroles murmurées le mettaient un tant soit peu en confiance. Pouvait-il avoir confiance en quoi que ce soit dans cet endroit inconnu ? Il ne savait même pas où il était, tout était noir, comme au début. Allait-il enfin se réveiller ? Il ne savait pas. Il n'avait jamais su. Il n'avait jamais rien su.


Il se décida finalement de tourner sa tête. Il ne savait même plus comment il faisait pour rester un minimum calme dans ce noir sans fin. Allait-il mourir ? Il s'en moquait, maintenant plus rien n'avait d'importance pour lui. Un sourire se dessina malgré lui sur ses lèvres en entendant ce rire venu de nulle part se rapprocher. Il se sentait tellement plus apaisé en l'entendant, c'était impressionnant. Lui-même ne comprenait pas pourquoi cette voix avait un tel pouvoir sur lui. Il pivota un peu sur lui, sentant son cœur se gonfler en entendant de plus en plus ce petit rire mutin. Ses yeux s'ouvrirent en grand en voyant une longue chevelure brune, ondulée, coulant sur des hanches finement marquées.


Qui était-elle ? Pourquoi était-elle là ? N'était-ce pas censé être son rêve ? Son délire malsain ? Et cette voix, toujours aussi douce, tellement délicate, venait-elle de cette jeune fille ? Il avait tellement de questions, mais sa voix restait coincée dans sa gorge. Ses yeux remontèrent sur le dos de la brune, passant sur les jambes fines dénudées, les mèches couleur chocolat pour remonter sur les épaules laissées libres par la robe en mousseline qu'elle portait. Elle était belle, terriblement jolie, délicate. Comme une fleur, dans sa robe rose pale.


Il déglutit bruyamment en la voyant tourner la tête en sa direction. Elle avait les yeux d'un rouge profond, un rouge sang à vous glacer le palpitant. Les lèvres pleines tout aussi rouges, un doux sourire était dessiné sur sa peau opaline. Ce ne fut qu'à ce moment que le jeune homme remarqua les deux longues cornes qui dépassaient du front et venaient s'enrouler autour d'elles-mêmes sur le haut de sa tête. Qu'était-elle ? Et pourquoi son cœur battait-il si vite en la regardant ? À nouveau le petit rire se fit entendre, alors qu'elle se retournait complètement en direction du châtain. Elle tendit une main en sa direction, un grand sourire sur ses lèvres maquillées.


« Ah, tu es finalement venu ? fit-elle en plissant ses yeux de joie. Viens, n'ai pas peur. »


Bêtement, l'adolescent se laissa dicter ses gestes, tendant à son tour sa paume pour croiser ses doigts avec ceux féminins. Sa main était d'une froideur extrême. « Tu vas être bien avec moi maintenant, c'est fini » murmura-t-elle tandis qu'une de ses mains aux ongles pointus fourrageait dans ses mèches couleur caramel. « Pour toujours, tu seras avec moi. Tout ira bien ». Et alors que le jeune homme écoutait les paroles tout en se laissant bercer par les caresses. Ses yeux s'ouvrirent en grand et son cœur s'accéléra brutalement, la panique reprenant son droit. Ses mains étaient de la même froideur que les statues de pierre, que les anges pleureurs. Il releva ses prunelles émeraudes sur le visage angélique de la jeune fille pour sentir son corps se paralyser sous la peur. Ses yeux avant rouges étaient d'un blanc cadavérique, le même blanc que ces figures de pierre. Et un énorme sourire dément était figé sur le visage féminin.

Graine de Wattpadien ✔Where stories live. Discover now