Sweater paws - Taekook

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Il portait sans arrêt des pulls beaucoup trop grands.

Je ne l'avais pas remarqué dès le début de l'année pour être honnête. Nous étions nombreux en section artistique, sans tenir compte des nombreuses spécialités. Ayant déjà un groupe d'amis, je ne m'étais pas intéressé plus que ça à mes camarades de promotion. Non, quand j'avais commencé à faire attention à lui, je me rendais tous les jeudis après-midi à la bibliothèque universitaire pour bosser pendant ces heures de libre. Il était toujours là, assis près de la grande baie vitrée, un livre toujours ouvert devant lui mais le regard souvent plongé à l'extérieur.

La première fois je m'étais contenté de me demander où est-ce que je l'avais déjà vu, et puis j'avais un jour réalisé qu'il partageait des cours avec moi. Et puis chaque semaine passant j'avais ressenti comme une irrésistible attraction envers ce garçon noyé dans ces masses de tissus informes, de couleurs et de matières diverses. Mon œil avait commencé à le traquer, dans les amphithéâtres, dans la cantine universitaire, sur tout le campus. Il s'infiltrait peu à peu en moi, jusqu'à occuper presque entièrement mes pensées.

Il était toujours seul, et paraissait chercher le contact de l'extérieur même dans les bâtiments, toujours le plus proche possible d'une fenêtre ou d'une ouverture. Et moi je recherchais le contact avec lui. Des sièges tout au fond je m'étais déplacé de plus en plus vers l'avant, là où je pouvais mieux l'observer. Ses cheveux châtains qui retombaient en frange soyeuse sur son front, me dissimulant souvent ses yeux qu'il avait d'un marron chocolat il me semblait, son visage doux et enfantin, et son corps frêle qu'il dissimulait sous ses satanés pulls, tout en lui me fascinait et m'obsédait.

Après deux mois à l'observer de tout mon soûl, je m'étais décidé à lui parler, le côtoiement lointain étant devenu insupportable pour moi. Un jeudi pluvieux, alors que j'entrais dans l'immense bibliothèque du campus les cheveux humides, je l'avais repéré à sa place habituelle, la tête tournée vers la vitre constellée de perles de pluie. Il était noyé dans un pull en laine grise qui retombait sur ses mains, les dissimulant à ma vue. Doucement, pour ne pas briser la paix indolente de ce personnage si mystérieux, je m'étais approché et l'avais interpellé en chuchotant, lui demandant si je pouvais m'installer avec lui.

Il avait levé les yeux vers moi, et j'avais pu me rendre compte que ses yeux comportaient en fait des nuances caramel, qui devaient être encore plus prononcées à la lumière du soleil. J'avais vu beaucoup de choses dans ces yeux ce jour-là, une part d'enfance jamais disparue, un sentiment de solitude et de timidité agrippé à son âme, et un désireux besoin d'évasion. Je lui avais demandé son nom, il me l'avait offert du bout de ses lèvres délicieusement rosées. J'avais été très étonné quand il m'avait confié son âge. Je n'arrivais pas à l'appeler hyung, il paraissait si jeune, si pur, si innocent pour ce monde. Et pourtant il l'avait connu deux ans avant moi.

J'avais alors pris l'habitude de m'asseoir à ses côtés tous les jeudis. Parenthèse de douceur au milieu de ma vie aux bords acérés. Il ne parlait presque pas, de peur sûrement que je le laisse s'il prononçait une parole de trop. J'avais tellement envie de le rassurer, de lui dire que je ne partirais pas, mais moi qui savais toujours quoi dire dans n'importe quelle situation je me retrouvais démuni face à cette créature des cieux. J'avais envie de découvrir chaque parcelle de son corps et de son âme, d'apprendre pourquoi il portait toujours ces pulls trop larges pour son petit corps, de lui demander pourquoi il paraissait toujours plus à l'aise à côté d'une fenêtre. J'avais envie d'effleurer sa peau légèrement hâlée du bout de mes doigts, de redessiner les contours de son visage, de tracer un chemin imaginaire entre les quelques grains de beauté qui formaient la galaxie de son épiderme...

Son corps était un paysage dont jamais mes yeux ne paraissaient se lasser.

Je le découvrais parcelle par parcelle, comme un explorateur en pleine forêt dense. Il se dévoilait avec peine, et ne paraissait pas curieux de ma propre vie, ne retournant jamais mes questions. J'osais espérer qu'il était juste trop timide pour oser me demander des détails sur moi, ayant peur que mon attirance ne soit qu'à sens unique. Et pourtant je croyais qu'en lui apprenant ma vie j'apprendrais la sienne. J'avais juste envie de le faire mien. De prononcer son prénom si doux encore et encore.

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