Féo

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Féo.

— Putain, mais c'est quoi ce truc ? s'insurgea le bleu en hoquetant de dégout.

Sur le point de régurgiter, il se détourna du cadavre. Ou du moins de ce qu'il en restait. Où qu'il regarde, ses yeux tombaient sur un morceau de corps découpé. Une phalange, une oreille, une lèvre, un pouce, un bout de nez, un orteil et bien d'autres ; tous imbibés de sang comme de morbides canards dans une mare. Sur une chaise, attaché, le buste gisait ; souillé de rouge coagulé, d'urine, de merde et de poudre. Le trou, ridicule, de la balle qui acheva ses souffrances, disparaissait presque au milieu de son front. L'ouverture béante de sa bouche en revanche, sans lèvres, sans dents, sans langue, envahissait son visage méconnaissable.

— Il a été torturé et j'ai comme l'impression qu'il n'a pas parlé, commenta son collègue qui, bien que plus aguerri, se sentait lui aussi quelque peu nauséeux. Il devait avoir une très bonne raison de se taire aussi longtemps...

— Il protégeait quelqu'un ? supposa l'autre, penché par-dessus le demi mur en verre qui séparait le bureau du couloir.

Il venait d'essuyer les coins de sa bouche avec sa manche.

— C'est même certain. Enfin, à moins qu'il ne s'agisse d'un sacrifice rituel ou quelque chose dans le genre. Le PDG de North&Smith est connu pour ses penchants... Comment dire... Vampirique ? Satanique ? Peu importe. Mais bon, il n'y a aucun symbole étrange ou de dispositif particulier qui pourrait favoriser cette piste.

— C'est Monsieur North, tu crois ? se renseigna le bleu en priant pour que la seconde supposition de son collègue soit vite totalement écartée.

— On dirait, mais il faut encore que la Scientifique le confirme.

— Stavinsky ! Nuñez ! Quelles sont vos premières conclusions ? les apostropha le Capitaine Bruner, son café à la main.

Le bleu se redressa et tenta de se tenir droit. Voyant son état Marco prit la parole en jetant un coup d'œil à ses notes.

— Tout ce que je peux vous affirmer sur la victime c'est qu'il ne s'agit pas de Monsieur Smith puisque c'est lui qui a trouvé le corps. La disposition de la scène de crime laisse penser à de la torture et vu l'état de ce qu'il reste du cadavre, il y a des chances qu'il n'ait pas parlé. Conclusion : Il protégeait quelqu'un. Reste à savoir qui. Pour cela il faut déjà confirmer l'identité de la victime. La Scientifique s'en occupe déjà...

— En effet et j'ai vos résultats. L'empreinte digitale sur ce doigt appartient bien à Monsieur North, commenta Nathan Cole, l'assistant du légiste, avant de retourner à son travail.

— Ah, parfait. Stavinsky et moi on va interroger ses proches et ses collègues.

— Commencez par sa femme et laissez mariner Monsieur Smith, il se la jouera moins dur à cuire, conseilla Bruner.

— Pas la peine, il était veuf, hoqueta Paul. Par contre, je crois qu'il avait un fils.

Son collègue et son chef le dévisagèrent.

— Me regardez pas comme ça, j'ai juste visionné un documentaire sur la création de l'entreprise, la semaine dernière. Ça parlait aussi beaucoup de la vie privée des PDG et de leurs dérives...

— Beau boulot, complimenta le capitaine. Nuñez, vérifiez ça.

Il sirota son gobelet de café noir en scrutant la scène de crime pendant que Marco et le bleu s'éloignèrent.

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