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     L'automne était ma période préférée. J'aimais l'automne plus que toute autre saison. L'automne, c'était ma source d'inspiration quotidienne, c'était mon refuge secret, c'était la place où se mourrait mon âme. Et ce dont je suis persuadé, c'est que mon histoire a débuté en automne, et qu'elle s'est déployée durant cette même période, sans le moindre hasard, sans le moindre détour.

     J'avais vingt et un an et je vivais dans un appartement peu commun, situé au cœur d'une rue escarpée, au milieu d'un quartier calme et d'une grande ville. Je voyais en cet habitat, le cocon reposant de ma jeunesse. La chambre qui m'était dédiée se trouvait au premier étage d'une maison faite de briques rouges et d'escaliers tordus. Depuis ma fenêtre j'avais une vue parfaite sur la rue apaisée, sur sa route humide et ses arbres fins. Les vitres, elles, étaient le cadre du tableau quotidien de ma vie étudiante. Tous les jours, je m'installais à mon bureau de bois blanc, et contemplais le temps s'enrouler dans le vent, juste là, de l'autre côté. Les passants passaient. Les enfants riaient ou pleuraient en traînant leurs cartables. Les parents se plaignaient ou se taisaient en traînant leur fatigue. Les inconnus dévisageaient avec tendresse le charme atypique des allées et des bâtisses aux couleurs fauves. Les habitués filaient sur le cadran de leur montre et moi j'étais le spectateur heureux de cette histoire humaine. A l'époque, je vivais à moitié seul, à moitié porté par le courant de ma vie. J'étudiais dans une bonne université, dont les examens d'entrée m'avaient arrachés des heures de travail. Là-bas, on parlait politique, philosophie et sociologie. Je m'y plaisais beaucoup. J'y absorbais chaque jour un semblant de sérénité et de fierté, à me forger l'esprit d'un homme. La foule était si volumineuse, si puissante, que je finissais par m'y perdre si profondément, que bientôt je n'étais plus mis dans une case, comme au lycée, mais je devenais un individu à part entière. Je me trouvais mi-solitaire, mi-entouré. Ni renié, ni populaire. J'étais simplement moi et j'étais bien. Et le soir, assis dans ma chambre tapissée de blanc, j'admirais le monde passer dans le cours de ma rue. Le temps s'écoulait. Et je venais d'entrer en deuxième année quand vint l'automne décisif de mon existence.

     Un matin frileux, durant les vacances d'Octobre, j'étais installé confortablement sur ma chaise grinçante. Enroulant mes doigts de porcelaine autour de la tasse de thé chaud, me recroquevillant dans le plaid gris, j'étais à la contemplation ce que l'automne est à ma vie. Et celui-ci était là. Sous les nuages blancs et l'air frais, teinté d'humidité, il m'appelait. Je souriais bêtement devant les éclats de ma couleur favorite. Les feuilles rouges orangées s'animaient au creux de leur nid, elle s'entortillaient au bout de leur tige puis quittaient la branche mère pour s'envoler, vivre quelques instants infinis et rencontrer le sol avec délicatesse. Les gens déambulant plus bas, un sac à la main, un casque sur les oreilles, une écharpe autour du cou, savouraient sans même s'en rendre compte les bienfaits du vent et des gouttes de pluie occasionnelles. Dans ma chambre, des papiers recouvraient les murs, des bibelots pliaient sous la poussière à droite à gauche. Il y avait des jouets d'enfant. Un walkman des années 90. Des pochettes de vinyle repeintes sous les inscriptions au marqueur. Des cadres et des photos de famille. Des cahiers dépareillés. C'était chez moi et ce dernier était ébloui.

    Une belle journée s'annonçait. Mais aussi une belle semaine. Je le savais, car il approchait. Je le sentais appeler en moi, m'attirer à lui sans un bruit, sans un mot.

Autumn - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant