すべて

512 65 29
                                    


Il ne reste qu'elle ; elle et la mer qui se balance contre ses cuisses. Elle est la mer qui me caresse les genoux.

Elle était belle et c'était dur de résister. Elle était le stéréotype de la fille bien dans son corps : elle n'avait besoin de personne, elle s'habillait toujours comme elle le voulait, même si ça ne lui allait pas forcément, elle ne fumait pas, ne buvait que très rarement et elle se donnait tous les moyens pour réussir. Tout mon contraire ; je me cachais dans des fringues dix fois trop grande pour moi, j'avais toujours des clopes sur moi, j'aimais boire parfois jusqu'à en vomir, et puis surtout, j'aimais les filles.

Je l'ai toujours su. J'ai toujours préféré les filles, je trouvais ça plus doux, plus subtil, plus sensuel. Pourtant, je n'ai jamais pensé tomber amoureuse d'Elizabeth. Elle était trop agressive dans sa façon de regarder les gens, trop susceptible, trop indépendante ; j'avais toujours l'impression de frôler les limites, d'en faire trop avec elle. Mais c'est arrivé. Sûrement parce que j'adore la façon qu'elle a de remballer les mecs, toujours avec le sourire, ou parce que j'adore quand elle met vingt minutes à se maquiller pour finalement tout retirer et sortir avec une casquette vissée sur la tête, et aussi, quand elle me court après pour éteindre ma cigarette. J'dure pas longtemps, faute d'avoir de bons poumons, mais elle s'arrête toujours à quelques mètres de moi, soupire, lève les yeux au ciel et vocifère : « t'es conne ! »

Elizabeth, elle cherchait toujours une relation stable et elle tombait pour le premier mec venu. Il suffisait qu'il lui accorde un tant soit peu d'attention et elle était à ses pieds. Elle a toujours été comme ça, avide d'être le centre du monde de quelqu'un, plus jeune déjà, elle était le genre de fille à faire du bruit dans la rue pour qu'on la regarde, le genre de fille à sourire beaucoup trop au beau vendeur du magasin, le genre de fille à laisser son numéro sur les tables de cours, pour qu'on l'appelle, pour qu'on la découvre, pour qu'on l'aime. Je crois que le pire dans tout ça, c'est qu'elle sait que c'est son problème ; qu'elle a un manque d'affection croissant à combler et que chaque personne est bonne pour boucher le trou.

Peut-être qu'elle ne m'aimait pas de la façon dont je l'aimais, mais moi, je le bouchais ce putain de trou.

L'été, elle allait chanter le blues dans les bars du coin. Trois soirs par semaine ; les lundis, mercredis et vendredis. La plupart du temps, j'étais là. Je connaissais chaque fissure qu'avait sa voix, chacun des mots qu'elle chuchotait et ceux qu'elle hurlait ; ce n'était jamais mon prénom. Je suis folle d'elle. J'imagine tous les soirs que c'est moi qu'elle regarde en chantant In The Cold, Cold Night, mais c'est au brun du bar qu'elle envoie des clins d'œil. Et c'est chez le brun du bar qu'elle passera la nuit.

Je ne peux pas m'empêcher de me lamenter sur mon sort ; quelle idée d'aimer Elizabeth ? Pourquoi elle ? Pourquoi toujours elle ? Pourquoi ce n'est jamais les autres à qui cela arrive ?



« Tu viens me voir chanter ce soir ?

- Non, j'aime pas ce bar, ni les gens qui y vont.

- C'est à se demander qui tu aimes. Non, c'en est arrivé à un point où l'on se demande même si tu aimes. T'es devenue aigrie, tu sors plus, tu fumes trop, tu traînes avec des gens pas fréquentables, tu viens même plus me voir.

- Je viens plus te voir ? Tu m'excuses Elizabeth mais je suis venue te voir tous les soirs pendant deux ans et pendant deux ans, je rentrais seule parce que tu t'étais trouvé un nouveau jouet pour la soirée.

- T'es en train de me reprocher de trop m'amuser là ?

- Non, ce que je te reproche, c'est d'être aveugle Elizabeth. Tu joues les filles de l'air mais moi, en attendant, j'ai le cœur brisé et tu le sais très bien. Je le vois quand tu me regardes. Tu sais que je t'aime mais tu ne dis rien. Pourquoi tu crois que je viens toujours te chercher quand tu m'appelles bourrée à quatre heures du matin ? Pourquoi tu crois que je supporte tous les vieux mecs que tu me présentes alors que tu le sais, putain, tu le sais. Je mérite pas une explication ? Un « désolée, je suis hétéro » ?

- Mais tu le-...

- Bien sûr que je le sais ! Mais si tu tenais vraiment à moi, tu crois pas que tu serais venue me voir pour en discuter ? Je m'en mords les doigts tous les jours de t'aimer Elizabeth.

- On se connaît depuis tellement de temps, je ne pensais pas qu'on avait besoin de mots..., elle chuchote, la tête baissée.

- Mais, merde ! Elizabeth, écoute toi. T'arrives même pas à assumer le fait que tu n'aies rien dit parce que tu aimes ça. Tu aimes avoir quelqu'un amoureux de toi. C'est dégueulasse ce que tu fais.

- Je ne savais même pas que tu aimais les filles...

- J'aime pas les filles. Je t'aime toi.

- Mais-...

- Alors, voilà, tu sais quoi, on va en rester là. Je vais prendre ma veste, mes affaires et je vais sortir. Puis on se verra plus ; on oubliera tout ça, toute cette haine que je garde en moi, tout ce que j'aime chez toi, on oubliera tout. Parce que je ne peux pas ; je ne peux plus faire comme si nous étions amies alors que moi, ce n'est pas ce que je veux.

- Esa, je-... »

La dernière fois qu'elle a prononcé mon prénom fut aussi la première et dernière fois que je l'embrassais.

do you love?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant