Nous traversons une grande cour grouillante de vie pour arriver devant un bâtiment assez ancien d'aspect, même si les ouvertures y sont récentes, ainsi que la porte devant laquelle nous nous arrêtons. L'homme, qui portait nos bagages, ouvre, et nous laisse passer, puis il se dirige dans un couloir. Lorsqu'il revient vers nous il s'incline devant mon époux qui le remercie. Khalid ferme la porte derrière nous.

Je regarde autour de moi.

Si le palais de son père est très grand, ici ce n'est pas le cas. Les carreaux d'époque ont été conservés, ainsi que les petites ouvertures et les moucharabieh donnant sur la rue, mais Khalid a opté pour un ameublement moderne et assez simple. Un ancien harem ! Cela me laisse encore pantoise, mais il est aussi assez rassurant sur la façon dont cette famille considère le mariage. Et cela ôte une part de mes craintes.

Je me sens de suite à l'aise. Il y a une grande pièce centrale, avec dans un coin un bureau et dans un autre un réfrigérateur sous une petite étagère pourvue d'une cafetière, d'une bouilloire et d'un service à thé, et je peux distinguer derrière un rideau pourpre entrouvert un long couloir avec des portes. Une main se pose dans mon dos, je tâche de ne pas réagir trop violemment.

— Je te conduis à la chambre afin que tu puisses te rafraîchir si tu le souhaite. Puis nous dînerons.

Il me guide vers la chambre, ensuite devant la porte il s'efface pour me laisser passer :

― À tout de suite !

La chambre est spacieuse et assez moderne, même si la table en cuivre, les rideaux chamarrés et les fenêtres à croisillons donnent une touche orientale. Il y a une odeur musquée agréable qui se dégage de ce lieu que je reconnais comme étant le parfum de mon époux. Le carrelage, avec ses arabesques qui s'entrelacent à des motifs géométriques, doit être d'origine, et quelques carreaux se retrouvent aussi sur les murs de la salle de bains, sans doute ceux encore intacts. Par contre le bassin qui se retrouve contre un côté devait déjà servir à l'époque, étant donné que marbre est visiblement ancien. La robinetterie est par contre très moderne, ainsi que le lavabo et la douche bleus qui sont placés à l'autre extrémité.

Je prends une douche rapide qui m'aide à me délasser, veillant à ne pas rester trop longtemps dessous, ne souhaitant pas faire attendre plus que nécessaire mon mari. La serviette bleue dont je m'enveloppe à la sortie est douce sur ma peau. Je m'assois sur un petit tabouret de bois, et respire doucement, l'appréhension au ventre, réalisant que je me trouve seule avec un homme que je ne connais pas, ou si peu, et qui a le droit ici de faire de moi ce qu'il veut. Je tente de me rassurer en me disant que jusqu'à maintenant Khalid a toujours adopté un bon comportement à mon égard.

Puis je rejoins Khalid qui s'est changé pour adopter une tenue plus traditionnelle. Pour ma part j'ai opté pour une robe occidentale que je m'étais achetée sur un coup de cœur. À l'encolure sage, elle possède une ligne fluide qui pour moi met en valeur ma silhouette, avec sa couleur rose pâle. Manifestement mon époux approuve mon choix, car le regard qu'il pose sur moi est admiratif, mais loin d'être libidineux, et inexplicablement j'en suis heureuse.

Sur la petite table qui se trouve devant le canapé en L, du même coloris pourpre que le rideau de séparation, je peux voir que le repas a été apporté. Et nous dînons tranquillement, Khalid me parlant de cette demeure qui a plus de cinq siècles, et qui a toujours appartenu à leur famille :

― J'y ai passé mon enfance avec mon demi-frère.

― Demi-frère ?

― Oui, Kassem.

― C'est ton demi-frère ?

― Mon père s'est marié deux fois. Sa première épouse était la mère de Kassem. Mais ils ne s'entendaient plus, ils ont divorcé. Et père s'est uni à ma mère.

Sous le sable, le bonheurWhere stories live. Discover now