Huntress

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20 juin 2015. Marjorie. Galeries Lafayette, Paris.

Je suis une boule de nerfs à l'intérieur. Mais comme d'habitude, je me fais un devoir de rester calme, sereine et imperturbable.

JE.ME.CONTRÔLE.

Toujours et en toutes circonstances.

Je ne connais que deux états psychiques :

1- Le calme.

2- La fureur.

Et ceux qui m'ont vue dans le second, ne sont plus de ce monde pour en témoigner...

Je suis réputée pour ne rien laisser passer. À personne. Encore moins à moi-même.

Je suis une perfectionniste.

C'est pourquoi je suis scrupuleusement tout ce que l'on me demande, en cet instant.

J'écoute, mon vieil ami, John Maddox me diriger pour ce shooting photo qui n'était absolument pas prévu à mon programme et qui va planter toute l'organisation de ma journée. Mais bon, je ne pouvais décemment pas le laisser dans les ennuis. C'est grâce à ses photos que je suis devenue LE visage et LE corps le plus célèbre des Anges de Victoria's Secret. Ce qui m'a incontestablement aidé lorsque je me suis retirée pour devenir moi-même styliste de lingerie fine et coquine.

Dois-je vous rappeler qui je suis ?

Marjorie Constance. 30 ans tout justes. Fille cadette du Général Philippe Constance. Et accessoirement la dernière d'une fratrie de cinq, composée exclusivement de mâle, au taux de testostérone plus élevé que deux équipes au complet de footballeurs américains...

Ma mère est une sainte, mon père un dictateur et mes frères bien trop protecteurs... Pourtant, j'ai réussi à m'imposer. Aussi bien dans ma vie professionnelle, que dans ma vie sentimentale...

Je suis une control-freak. Je suis même légèrement psychorigide sur les bords. Mais mes amis m'aiment pour ça. Mon sang-froid, ma capacité d'analyse et mon contrôle hors du commun nous ont aidés plus d'une fois, sans vouloir me vanter... De même que la générosité et l'humour de Joe, ou que l'intelligence et la méfiance de Leila.

Quant aux frères Erria, Richard et Adrien, ce sont mes amis d'adolescence. Surtout Adrien. Je suis heureuse pour lui aujourd'hui. Il a enfin trouvé une femme à la hauteur de ses capacités.

Quant à moi, si, le jour, je suis cette styliste dont la cote monte toujours plus ; la nuit je deviens Huntress, redoutable dominante qui a élevé au rang de huitième art, celui du plaisir et du sexe dans tous ses états, ou devrai-je dire positions.

Je n'ai ni honte de mon corps, ni de ses besoins et encore moins de ses envies.

J'assume tout et bien plus encore.

Pourtant, dans le fond de mon cœur, bien fermé à double tour, je ne rêve que d'une chose : être aimée pour ce que je suis, et non pas pour mon corps et ses capacités sexuelles.

Devrais-je consulter un psy ? Sûrement. Mais comme je vous l'ai déjà dit, j'assume tout. Même ça.

J'ai rencontré des tas d'hommes qui ont fait vibrer les recoins secrets de mon anatomie et j'ai eu certainement plus d'expériences et plus de partenaires qu'une simple prostituée de Maison close. Mais jamais aucun qui fasse vibrer le seul muscle vraiment important : mon cœur. Non jamais, aucun n'a réussi à toucher toutes les cibles en même temps. Pourtant, il m'arrive de me rêver en Cendrillon parfois, ou en Belle au bois dormant. J'envie leur innocence quelquefois. J'aimerais vraiment qu'un beau chevalier m'emporte sur son destrier aux mépris de mes suppliques inverses. J'aimerais qu'il ose, qu'il sache même, se rebeller contre moi.

Mais il faut croire qu'un tel homme n'existe pas pour moi.

Être élevée au son du clairon, du drapeau et de la Marseillaise, ça laisse des traces. J'ai dû très rapidement trouver ma place et mon père ne m'a fait aucun cadeau. Jamais. Quant aux Quatre Mousquetaires qui me servent de frères, je crois qu'ils ont fait fuir à vingt kilomètres à la ronde les éventuels prétendants qui auraient souhaité, ne serait-ce, que m'amener faire un tour en plein jour et en restant devant la maison... Il a fallu que je m'affirme, surtout quand il est apparu que la fille du Général avait la plastique de rêve que toutes les femmes du monde rêvent en secret d'avoir : un mètre soixante-quinze, 90-60-85, blonde au carré ondulé, les yeux marron clair presque topaze, la peau dorée...

Ouais, si je l'avais laissé faire, le Général m'aurait habillée en treillis pendant toute mon adolescence...

Enfin, me revoilà au milieu d'un décor champêtre au beau milieu du hall célèbre des Galerie Lafayette, sous le dôme Art déco magnifique... Et je suis en train de laisser Maddox me supplier, alors même que je sais déjà que je vais déjà lui dire oui. Son modèle du jour est trop malade pour être présentable et il n'a personne pour la remplacer. Je passais ici pour une tout autre raison, mais ses suppliques et ses grands yeux tout tristes m'ont convaincu.

- Darling, tu me sauveras la vie et Pandora te le revaudra au centuple... me dit-il de sa voix de midinette n'ayant jamais mué. Tu sais bien qu'elle tuerait père et mère pour que tu reviennes faire un défilé pour elle...

Je le regarde avec mon air énigmatique.

- Je ne suis pas venue pour ça, j'objecte de ma voix rauque et cassée. Je suis venue pour les essayages de ma robe pour le mariage d'une de mes meilleures amies. Je n'ai pas le temps.

- Oh allez, baby ! Avec toi ce sera vite plié. Tu as tellement l'habitude. Et puis regarde-toi, tu es encore plus sexy qu'avant si c'est possible. Plus hot même... Please... Help me...

Je hausse un sourcil et croise les bras. Maddox me sort le grand jeu. Il sait qu'il ne gagnera que comme ça.

- Un shooting gratuit pour ta nouvelle collection.

Je souris.

- Vendu. Tu vois quand tu veux... Je lâche.

- Hmmff, tu es toujours aussi redoutable Darling, mais c'est comme ça qu'on t'aime. Allez au maquillage !

Il me tend un ensemble en dentelle noire sur fond Lila avec porte-jarretelles et bas noirs. Je file me changer et passe entre les mains de la maquilleuse. Une nouvelle sûrement, car elle babille à qui mieux mieux et tremble en m'apposant un fard à paupières charbonneux.

J'enfile une paire de talons aiguille vernis, enlèvemon peignoir et me dirige vers le décor mis en place. Je sens le regard deshommes et des femmes présents dans le hall. Le public est conséquent. Instantanément,Huntress, en moi a envie de leur ordonner de ne pas me regarder et de baisserles yeux. Mais je ne suis pas au club. Je suis au boulot. Je fais donc ce que l'onme demande et commence par prendre une première pose lascive en focalisant monregard dans l'objectif. Le ventilateur se met en marche et fait voler mescheveux. Une musique de Pink s'enclenche : Who Knew. Et c'est le show. :

Fire Crush - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant