Chapitre 25 | Ava

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Chez les Kayris
Dimanche 8 Juillet
09 : 34

            Il ne répond pas...

Je fixe sa maison vide encore et encore. Il est parti. Depuis qu'il est sorti de l'hôpital je ne l'ai revu qu'une seule fois, et ça a été horrible. Au début, je pensais qu'on pourrait surmonter tout ça ensemble. C'était avant de voir l'immense vide dans ses yeux, et de me rendre compte que les miens étaient pareils.

            Pour tout le monde, cette histoire est derrière nous. Ils pensent que l'on peut oublier ce qu'il s'est passé et enfin commencer à vivre, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que nous avons tous les deux laissé une partie de nos âmes sur ce bateau, et je ne sais pas si on pourra les récupérer.

            Je me réveille chaque nuit. Chaque nuit avec ce goût métallique dans la bouche : le sang de Luka sur mon visage, sur mes mains. Je sens ses mains sur moi à longueur de journée, j'en viens à prendre au moins cinq douches par jour, mais la sensation ne s'en va pas. Je revois jour après jour la tristesse dans les yeux de Juliann en apprenant la vérité sur Anaëlle, sa détresse lorsqu'il m'a laissée seule dans la pièce avec Luka, sa fureur lorsqu'il l'a vu sur moi, à de doigts de me... J'entends encore le bruit d'os qui se brisent, du sang qui gicle.

            Je me remets à poignarder Luka encore et encore. Dans mes cauchemars, il est souvent remplacé par Juliann... Juliann que je vois se noyer. J'ai failli le perdre, à quelques secondes près. Il m'arrive de rêver que je n'ai jamais réussi à attraper sa main, que son corps croupit encore au fond de la mer, que ses yeux sont grands ouverts et m'accusent de l'avoir abandonné.

            Je n'arrive pas à vivre, pas à respirer sans lui, et pourtant j'ai l'impression que notre lien a été rompu. Je ne sais pas quoi lui dire, je me sens indigne d'être à ses côtés. Être avec lui est devenu plus douloureux que de vivre sans lui, car il suffit d'un regard pour que tous nos traumatismes refassent surface. C'est comme si nous étions condamnés à nous aimer pour l'éternité, mais à nous détruire si jamais on cédait à cet amour. C'est tellement injuste.

            Comme il y a cinq ans, la vie ne s'est pas arrêtée après ce drame. Je dois prendre une décision importante pour la rentrée, et je ne sais toujours pas si je dois rester ou partir ; les résultats du BAC me l'ont rappelé. Je n'ai même pas eu la force de me réjouir de ma réussite...

Je sais que je dois me montrer forte, à la fois pour moi et pour Drew. J'ai vraiment envie de me reconstruire, de guérir. De vivre. Mais j'ai le sentiment que je n'y arriverai pas ici, pas avec Juliann et Inès. Je n'ai pas assez de force pour nous quatre, et ça me tue.

            Il fait beau, le soleil illumine la rue, des enfants jouent dehors, les fleurs colorent les jardins, et pourtant, je me sens entourée d'obscurité. De vide. De peine, de souffrance, d'injustice. Parce que la souffrance ne s'arrête pas après le coup. Elle continue, elle demeure et grandit dans nos souvenirs. J'essaie de ne pas lui laisser prendre trop de place, mais c'est trop difficile. Tellement dur...

            Je me retourne et traverse le salon comme un fantôme. Je sens le regard de ma famille sur moi, leur inquiétude, mais je ne peux pas affronter ça aujourd'hui. Je gagne ma chambre et m'allonge sur mon lit. Tellement de sang... La douleur me noue le ventre, la gorge, résonne dans mon crâne. Ça fait tellement mal. Je suis tiraillée par un amas de souffrance et je ne sais pas comment m'en débarrasser.

            J'ai tellement besoin de lui. Tellement besoin d'être loin de lui. Je ne sais plus. Il me manque tellement...

Chez Ava
Samedi 28 Juillet
20 : 58

TEACHME [PUBLIÉ SUR KINDLE ET AMAZON LES 14 & 21 JUIN]Where stories live. Discover now