Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)

9 - Amicus (première partie)

- Mon père s'appelle John Félix Morgan.

L'effet de ses mots fut immédiat. L'expression aigrie du visage d'Amos se changea en de l'étonnement, voir même de l'incompréhension.

- Ce n'est pas possible.
- Non, bien sûr ! répliqua Ellynn, cinglante. Je ne suis qu'une menteuse !

À bout de nerfs, elle repoussa violemment le bâton et se dirigea vers le mur qui la séparait de Gladius. Elle voulait rejoindre son tigre et avança sa main vers la barrière de poussière. 

- À ta place, je ne ferais pas ça, la prévint Amos, sans esquisser le moindre geste.

Ne l'écoutant pas, Ellynn la toucha de sa main gauche. Immédiatement, une douleur cuisante canonna sa main et son bras, lui arrachant un cri. 

- On ne touche pas mon Amicus sans en subir les conséquences, petite ! lui expliqua Amos en s'agenouillant à côté d'elle tandis que Gladius rugissait de mécontentement, tous ses crocs dehors. Montre-moi ton bras.

Ellynn le fusilla du regard, refusant d'accéder à sa demande.

- Ne sois pas ridicule et montre-moi ton bras ! Elle est toujours comme ça ? s'adressa-t-il à Timolas.
- Pire qu'une tête d'ogre ! répondit ce dernier.

Timolas paraissait cependant soucieux en la regardant.

- Je ne te ferai pas de mal, dit Amos de sa voix rauque en tendant ses deux mains vers elle. Au contraire, ça va te soulager. HA !

Puis, sans attendre son consentement, il prit son bras dans ses paumes et Ellynn remarqua alors qu'il n'avait plus que la peau sur les os. Il la manipula brièvement dès lors que quand il la relâcha, elle n'avait plus qu'un léger picotement supportable.

- Merci, dit Ellynn à contrecœur en se frottant machinalement l'avant-bras.

Bien qu'il ait fini, Amos resta accroupi devant elle.

- Comment t'appelles-tu ?
- Ellynn. Ellynn Morgan.
- Ne bouge pas.

Amos ferma les paupières, baissa la tête et joignit ses deux mains en ne se touchant que l'extrémité de ses doigts. Dans un premier temps, rien ne se passa. Mais quelques instants plus tard, le mur de poussière vibra et un filament s'en échappa pour se diriger droit sur Amos. Le fil poussiéreux tournoya autour de lui puis alla délicatement sur son visage. C'était comme si la poussière pénétrait, grain après grain, l'intérieur de ses yeux et les remplissait de cette matière rouge.
Doucement, Amos ouvrit les yeux et releva la tête. La beauté de son regard lui coupa son souffle. Ses yeux étaient remplis de poussière rouge, comme si les étoiles de l'univers étaient rassemblées sous ses paupières. Ellynn ne voyait aucune pupille, la troublant encore plus. Amos leva lentement ses mains, les portant à sa figure, et en analysa chaque recoin, décrivant un tracer que lui seul pouvait comprendre. Enfin, son pouce s'attarda sur cette petite tache brune, en forme de larme séchée, qu'elle portait en-dessous de ses lèvres.
À son contact, Amos baissa la tête, ferma les yeux et laissa la poussière s'écouler en-dehors. À l'aide de son bâton, il se releva et tendit sa main vers le mur qu'il avait dressé. Les grains se répandirent sur le sol et se faufilèrent à travers les herbes pour arriver jusqu'à lui. Ils montèrent alors le long de son corps et se regroupèrent sur son épaule pour former un furet dans la même matière rouge transparente que la barrière qu'il venait d'abolir.

- Qu'est-ce... commença Ellynn en désignant le furet alors que Gladius se postait à côté d'elle et que Mila rejoignait Timolas.
- Qui est-ce ? la coupa Amos en montrant Timolas de son bâton.
- Je... Je pensais que vous vous connaissiez...
- Non, je ne le connais pas du tout. Vous êtes amis ?