En passant...

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Compte à rebours

Avant que tous on refroidisse,

Il faudrait tout remettre à neuf

Mais où est donc cette recette

Pour pas que la vie raccourcisse ?

J'aimerais compter jusqu'à cinq

Et puis qu'en arrivant à quatre,

On se voit tous le bel octroi

D'un avenir moins hasardeux,

Où notre race des humains

Repartirait pas de zéro...




Allons enfants !


Il était une fois un petit atome d'hydrogène prisonnier d'un glaçon dans un congélateur. Il se lamentait de sa solitude, bien qu'entouré de ses semblables, car lui voulait voyager, alors que les autres atomes d'hydrogène se satisfaisaient tout à fait de leur état.

Un jour, pourtant, son rêve s'exauça et la lumière fut. Un humain venait enfin chercher de la glace, car l'été se faisait chaud. Très enthousiaste, l'atome d'hydrogène n'avait jamais montré une telle excitation de ses électrons ! Certains en venaient même à retrouver de leur mobilité, car ils étaient en surface. Alors qu'il se faisait une joie de s'évaporer jusqu'aux nuages, un grand craquement se fit entendre et il bascula avec la masse compacte de ses congénères dans un verre de ses semblables.

Pour comprendre les raisons de ses besoins de grands espaces et de l'étendue de ses connaissances du monde, il faut rappeler qu'il n'était déjà plus tout jeune, puisqu'il avait l'âge des étoiles, et qu'il avait déjà voyagé beaucoup avant d'être entraîné par inadvertance avec quelques millions de ses congénères en une goutte d'eau d'un nuage vers le sol. Mais, malheureusement, plutôt que de tomber sur un sol rocailleux d'où ils auraient pu de nouveau s'évaporer vers des cieux plus favorables, il s'était écrasé, au beau milieu d'un orage, sur une terre spongieuse et recouvrant une nappe phréatique heureusement exploitée par l'Homme, jusque laquelle il s'enfonça. Prisonnier sous l'état liquide, l'atome d'hydrogène que nous commençons à mieux connaître et ses camarades les plus proches étaient demeurés sous terre durant plusieurs années avant d'être entraînés dans des canalisations quelconques. Par ce chemin, il finit par arriver dans le bac à glaçons d'où il venait enfin de sortir après plusieurs mois d'enfermement. Aussi comprend-t-on qu'après tant de liberté, son emprisonnement lui fût insupportable.

Il était donc bien heureux, paradoxalement, de se faire boire, car il savait par expérience qu'il s'échapperait vite. En effet, l'enfant qui le but - entre autres, bien-entendu - était battue régulièrement par ses parents et pleurait donc abondamment. C'est donc bien avant le soir que notre atome d'hydrogène put s'échapper dans les airs en s'évaporant d'une larme de l'enfant. Malheureusement, la chambre qui le retenait était close, car ce n'était pas exactement une chambre, mais une buanderie, et l'humidité était telle en ce lieu que, même en faisant tourner le plus rapidement possible ses électrons autour de lui, d'autres vinrent le rejoindre, et d'autres encore, et en peu de temps il fut prisonnier d'une masse de ses congénères contre le mur imbibé de ses prédécesseurs.

Notre petit atome d'hydrogène se sentit alors très malheureux. Il se disait et commençait à penser qu'il ne sortirait plus jamais de cet endroit et qu'il ne verrait plus le vaste monde. Aussi désespérait-il encore quand, quelques années plus tard, la solution se présenta à lui sous les traits d'une forte femme qui adorait les enfants et se méfiait des adultes chez qui elle trouvait toujours d'accablants défauts. La petite fille qui l'avait libéré du congélateur devait maintenant avoir une dizaine d'années, et ses cris de douleur avaient fini au bout de tout ce temps par agacer les voisins qui, se souvenant soudain que ne pas porter assistance à quelqu'un en danger est sanctionné par la loi et pourrait leur apporter de mauvais points sur leur karma, avaient communiqué courageusement dans l'anonymat la situation probable de l'enfant au commissariat local. La grosse femme venait donc vérifier par elle-même, encadrée de deux policiers.

Le père leur ouvrit et blêmit puis, les ayant guidés d'un signe de la main dans la bonne direction, il monta à son bureau, contempla tristement avec regrets les cassettes vidéo qui témoignaient de ces années heureuses pendant lesquelles il s'amusait, nu, avec sa fille et s'assit derrière son bureau. Sa femme le rejoignit rapidement, et il la tua avant de se suicider lui-même après avoir pris soin d'incendier le bureau. Les deux policiers étaient vite montés voir tandis que l'assistante sociale libérait la petite. Comme le feu avait trop bien pris pour être éteint et que son collègue avait déjà brûlé, le dernier des deux policiers fit évacuer la maison après avoir mis à l'abri dans ses poches quelques bijoux et autres petits objets précieux. Quelques minutes plus tard, il ne restait de la petite demeure que des cendres et quelques pans de mur noircis.

Bref ! Grâce à l'incendie, notre atome d'hydrogène put de nouveau enfin retrouver sa liberté. Il s'en fut former avec d'autres un petit nuage fin qui fut soufflé par un fort vent d'est jusqu'à l'Atlantique où il tomba en pluie. Mais le petit atome était heureux car il était libre et pouvait de nouveau pleuvoir et voler à travers le monde, et c'est ce qu'il fit durant de nombreuses décennies, avant d'être de nouveau pris au piège dans une nappe phréatique. Mais cette fois-ci, son état n'était pas dû à une étourderie, mais au souffle des explosions nucléaires qui frappaient la planète sur toute sa surface. Aussi, comme toute vie avait été détruite sur terre, et que celle-ci était inhabitable pour quelques décennies, il prit son mal en patience et attendit que la vie renaquît, découvrît et exploitât la pièce d'eau dont il était prisonnier, ce qui allait sûrement prendre plus d'une centaine de millions d'années...

ApocalypsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant