5-Caleigh

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Je suis rentrée à New York depuis quelques jours et ça a été la folie. J'ai repensé à la proposition de Sasha et pris la décision que, oui, j'irai la rejoindre en Californie. Simplement, étant donné que je ne peux pas me permettre de quitter la fac en cours de semestre, j'ai décidé de repousser mon emménagement au mois de janvier, juste après avoir validé mes examens, ce que Sasha a tout à fait compris. Reste encore à en parler à nos parents et à vrai dire, je n'ai pas encore eu le temps d'aborder le sujet avec eux. J'espère qu'ils – du moins, mère – prendront bien ma décision. Ou, au mieux, qu'ils n'en feront pas une affaire d'État. Quoi qu'il en soit, c'est ma décision et ils n'ont rien à dire, puisque c'est moi qui paye mes études.

En parlant de ça, je n'ai pas eu une minute à moi. Les cours se sont enchaînés et j'ai bossé presque tous les soirs à l'UAC. Il y a des moments où j'apprécie encore plus ma chance de travailler ici et clairement, là, c'est le cas. Ces derniers jours, mes collègues et moi avons bossé sur un truc dément. Dans le but de renouveler un peu notre clientèle – et pourquoi pas d'y attirer quelques célèbres critiques d'art qui nous apporteraient une notoriété supplémentaire – Malcolm Nicholson, mon patron, a décidé que le bar serait le théâtre d'une expo sur thème de la jungle. Et comme il adore ce que je fais, il m'a désignée pour transformer l'UAC et d'y assurer le show. Inutile de préciser que j'ai sauté de joie lorsqu'il m'a annoncé que j'avais carte blanche. Une occasion comme celle-là est l'assurance d'étoffer mon book et de m'amuser comme une petite folle.

J'ai eu assez peu de temps pour décider de comment j'allais faire pour amener une jungle au milieu de l'Underground Art Coffee et je dois dire que pour tout mettre en place, ça a été plutôt tendu. Mais j'aime bien ce genre de challenge, même si c'est particulièrement stressant. Pour couronner le tout, mon boss a mis en place un pot en demandant à tout le personnel de prendre les paris sur mes chances de ne pas tout organiser dans les temps. C'est dire si je suis motivée ! Comme si je m'étais déjà plantée... Oui, bon, d'habitude, on est plusieurs sur le coup lors de ce genre d'exhibition et là, je bosse en solo.

Qu'est-ce que je dois penser de ça ? Mon patron me fait-il à ce point confiance ou attend-t-il que je me vautre lamentablement ? J'ai la vague impression de passer un examen et ça me met une pression pas possible. En tout cas, il est hors de question d'échouer à cette épreuve. Je vais montrer à tout le monde de quoi je suis capable. Et puis, moi aussi, j'ai parié, alors ce serait d'autant plus drôle si c'était moi qui remportais la mise.

Il m'a fallu une grosse semaine pour mettre en place tous les détails. Sur mes conseils, Mal a installé les spots de lumière blanche destinés à rendre les verts plus vifs ainsi que d'autres de lumière noire, qui feront ressortir la peinture phosphorescente. J'ai déniché quelques vieux objets que j'ai recyclé de manière à en faire des silhouettes d'animaux, un « copain » qui suit le cursus audiovisuel m'a prêté un sample des bruits de la canopée et m'a montré comment les monter en boucle. J'ai décidé de mettre à contribution mes collègues, Kassandra, Roxy et Keith ainsi que quelques étudiants de mon cours de peinture. J'utiliserai leur corps comme de véritables toiles afin de réaliser des trompe-l'œil. Cet après-midi, j'ai fait venir un fleuriste avec lequel nous travaillons habituellement. En quelques heures, il a réussi à transformer l'intérieur du bâtiment industriel abritant l'UAC en une forêt luxuriante. Nous avons aussi distribué des flyers afin de rameuter le plus de monde possible à cette soirée, je dois dire que tout ça a été plutôt intense... mais quel que soit le résultat, c'est le grand jour... et, euh... soit ça passe... soit ça casse. Si mon expo fait un bide, au moins les gens se seront déplacés pour faire une étrange promenade bucolique en plein Manhattan.

Est-ce que je suis nerveuse ? Pas du tout, vous pensez bien !

Entre chaque réception de matériel et leur mise en place, je cours vers l'arrière salle où mes modèles attendent d'être enduits de peinture phosphorescente. Je donne à chacun des ordres précis, les faisant répéter à la suite mes directives pour être sûre qu'ils savent où ils doivent se placer et avec qui. Il ne manquerait plus qu'une patte de jaguar se retrouve sur une reinette, ce serait vraiment la cata !

A tes souhaitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant