CHAPITRE 1

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Je rabats une mèche châtain derrière mon oreille face au hurlement du vent.


Perchée du haut d'une colline, j'observe la cime des montagnes de l'autre côté de la vallée. Le feuillage écarlate brûlant dans cette fraîcheur automnale, est un spectacle auquel je n'aurais jamais cru prendre part dans un paysage aussi splendide. Le sol recouvert de nuances de feuilles orangées, ocre et écarlate tapissent l'ensemble de la vallée profonde. Une brise de vent reflue un amas de feuilles à mes pieds vers le contrebas. Elles virevoltent dans l'air pour disparaître dans les profondeurs.


Libres comme le vent...


J'inspire profondément cet air revigorant aux senteurs de sous-bois, de mousse et de feuilles séchées.


Un arbre au tronc fin et au feuillage rougeoyant sur ma droite, étincelle de ses couleurs chaudes aux rayons matinaux. Au bord du précipice, ses racines sont fermement ancrées dans la roche, le tronc fièrement dressé vers l'astre soleil.


La fraîcheur environnante m'incite à ramener mes genoux contre ma poitrine et me frictionner les bras. Ce petit coin de paradis est mon « repaire ». Pratiquement tous les jours, je m'y rends pour m'extasier devant la beauté du paysage, différent à chaque lever de soleil. L'air pur me permet de réfléchir, de m'évader... Seule loin de tous soucis.


Depuis quatre mois, les affrontements contre les Gardacks se font de plus en plus rares. Après qu'ils aient pris d'assaut la Légion notre sécurité s'est incroyablement renforcée. Je n'imagine pas un Gardack faire dix mètres sans se faire repérer.


Les Gardacks connaissent le lieu de la Légion et nous connaissons celui de leur repaire. De ce fait, s'ils cherchent à nous attaquer, nous n'hésiterons pas à riposter. Et ça, ils le savent. Des murmures se sont mis à courir comme quoi, il y aurait une « semi-paix » entre nos deux peuples. Mais ces bruits sourds cachent une part de vérité. Nos combats n'ont pas entièrement cessé. Nous bataillons d'arrache-pied pour récupérer sous nos ailes les Novas, que les Gardacks s'obstinent à nous arracher. Les derniers temps c'est uniquement dans ces face-à-face que nous devons user de la force.


Parfois, nous arrivons à temps et sauvons les Novas in extremis, et d'autres fois... il était trop tard. D'innocents Novas étaient embarqués pour être transformés en machine de guerre.


Le bruit d'une brindille brisée étouffée sous le lit de feuilles arrive à mes oreilles. Sans me donner la peine de me retourner, je lâche un long soupir. Mon regard se porte sur cette brume au loin qui serpente entre les montagnes.


Les pas se rapprochent un peu plus.

Avant même de ne lui laisser le temps d'émettre le moindre son, je le devance.


— Où étais-tu ?


Les pas s'arrêtent derrière moi.


— De quoi tu parles, Esmé ? J'étais en mission.


— J'ai demandé à Henry. Il n'y avait aucun ordre de mission.


Le vent glacial ramène mes cheveux en arrière sans pour autant suffire à chasser mon chagrin. Ce n'est pas la première fois que Tyron s'absente sans donner l'ombre d'une explication. J'avais tenté de le suivre une fois, mais il m'avait filé entre les doigts, volatilisé, sans laisser aucune trace. J'en suis venue à me demander s'il n'avait pas quelqu'un d'autre dans sa vie. Ces derniers temps avec ces heures de sommeil en moins, être lucide est devenu compliqué.


Logan et Laïa ont tout de suite remarqué que quelque chose me travaillait. Inutile de vous préciser qu'ils m'ont carrément harcelée pour m'obliger à me faire cracher le morceau. Mais ils n'y sont pas parvenus. Afin d'éviter d'autres pressions de ce genre, j'ai jugé bon de me réfugier dans mon coin de paradis. Jusqu'à il y a trente secondes, il était censé être « secret ». Pas si secret que ça visiblement.


— Qu'est-ce que tu me caches, Tyron ? Est-ce que tu me mens ?


— Comment est-ce que tu peux penser ça ? Je ne t'ai jamais menti.


— Si. Une fois. (Je serre un peu plus mes jambes contre moi.) Quand tu m'as caché l'existence de mon frère.


— J'étais tenu au secret, tu le sais très bien. À part cette fois où je n'ai pas pu faire autrement, je ne t'ai jamais menti.


J'aimerais tellement le croire, pourtant mon intuition m'empêche de fermer les yeux sur cette chose qu'il me cache.


— Dans ce cas pourquoi personne ne sait où tu étais ?


Par le bruissement des feuilles je l'entends qui s'éloigne.


— C'est bon, ça suffit.


Ses pas rebroussent chemin et se font à chaque seconde un peu plus lointains. C'est fini. Je le sais.


Le chagrin devient lourd comme du plomb dans ma poitrine, et mon cœur fatigué se fendille. Je retiens un torrent de larmes qui s'accumulent dans mes yeux. Même ce merveilleux paysage semble s'être teint de gris.


Non loin, une voix s'éclaircit. Je refoule aussitôt mes larmes et tâche de reprendre contenance. Je pensais qu'il était parti. J'inspire l'air frais qui me vient en plein visage, puis un peu maladroitement, me hisse sur mes jambes. J'époussète brièvement la poussière de mon pantalon et d'un mouvement extrêmement lent, j'entreprends de me retourner.


Une fois face à la lisière de la forêt, mon cœur manque plusieurs battements. C'est à ce moment précis, que moi Esmeralda Henderson, frôle de très près la plus grosse crise cardiaque encore jamais répertoriée.


La bouche grande ouverte, je dévisage Tyron pour la première fois de la journée. Ses cheveux bruns devenus un peu trop longs flottent au gré du vent automnal.


Un genou à terre, il me tend un écrin en velours noir qu'il ouvre sans me faire attendre. Relevant la tête, ses yeux d'un vert intense se posent sur moi.


C'est à cet instant précis qu'il me demande d'une voix assurée :


— Esmeralda, veux-tu m'épouser ? 

— Esmeralda, veux-tu m'épouser ? 

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💎 La Légion de Saphir 2 : TRAHISONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant