TEACHME [PUBLIÉ SUR KINDLE ET AMAZON LES 14 & 21 JUIN]

Chapitre 10 | Juliann

Lycée
Lundi 12 Mars
08 : 15

Au lieu de me rendre dans ma salle de classe, c'est vers le bureau de monsieur Bougneau que je me dirige. Je sais que c'est la dernière fois que je parcourrai les couloirs insalubres de ce lycée qui tombe en ruine, que c'est la dernière fois que je verrai Ava me regarder avec des yeux de merlan frits chaque fois que j'écris au tableau ou que je me lance dans une explication.

J'étais totalement désespéré le jour de la pré-rentrée, écoeuré et dégouté à l'idée de travailler ici, mais cette femme a réussi à tout changer, et ironiquement, je donnerais tout pour pouvoir rester, mais je ne peux pas. Je vais me faire virer. Ou alors on va me demander de démissionner. Je pencherais plutôt pour la seconde option car il me semble que le rectorat n'aime pas les scandales. Ça tombe bien, moi non plus.

Cet enfoiré a envoyé des photos d'Ava et moi plus que suggestives au principal, et je pense que ce dernier va me passer un savon pour avoir abusé de sa protégée.

Je toque à la porte de son bureau, puis j'entre en refermant derrière moi. Il ne daigne même pas lever les yeux de son écran d'ordinateur. Son visage rond est tout rouge, tout comme son double menton, d'ailleurs. Il fait encore très froid dehors, et les radiateurs ne fonctionnent que par intermittence dans l'enceinte du lycée, mais le principal est dégoulinant de sueur. C'est certainement la colère qui le rend comme ça. Ma foi, peut-être que cette entrevue sera rapide.

« Bonjour, dis-je d'une voix monotone.
— Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes là.
— J'ai ma petite idée, oui. »

Il lève ses petits yeux marrons sur moi, et me fusille du regard. Ah oui, je suis censée la jouer mec qui regrette ses agissements et m'excuser en sanglotant. J'ai envie de lever les yeux au ciel, mais je me contente de regarder mes bottes noires pleines de boue.

« J'ai été le premier à vous avoir accordé le bénéfice du doute, Juliann. Pendant des semaines j'ai entendu des tas de rumeurs, mais je me suis dit que ce n'était pas possible. Je me disais que vous étiez un homme bon, responsable, respectable, mais pas du tout ! Vous faites honte à notre profession ! »

Il est à bout de souffle lorsqu'il prononce sa dernière phrase. Je comprends entièrement sa colère, mais pour Ava, je ferais à nouveau honte à notre profession sans aucune hésitation.

« Je vous avais demandé de protéger Ava, et tout ce que vous avez trouvé de mieux à faire c'est d'abuser de sa confiance ! Je n'ai point de mots pour exprimer ma déception, Juliann !
— Je n'ai rien à dire pour ma défense mis à part le fait que je suis désolé. »

Désolé de ne plus pouvoir embrasser ses lèvres incroyables après chaque cours, désolé de ne plus pouvoir la faire sourire, la faire gémir contre ma bouche, la sentir trembler contre moi... Désolé de m'être fait avoir par ce salopard...

« Désolé ? crache-t-il. Vos excuses ne répareront pas vos erreurs. Depuis combien de temps est-ce que cette histoire dure ?
— Elle est terminée. Elle a durée deux mois, j'y ai mis fin en réalisant que c'était une erreur.
— Bien sûr. Vous savez que je ne vous permettrai pas de revenir enseigner ici comme si de rien n'était ?
— Bien entendu, j'ai déjà prévu d'envoyer ma lettre de démission au rectorat.
— Bien, bien. Je vais aussi devoir informer les parents d'Ava. S'ils veulent porter plainte, je les soutiendrais à cent pour cent.
— Très bien.
— Je vous laisse une heure pour vider vos casiers et récupérer vos affaires.
— D'accord. Mais une dernière chose... Le personnels et les élèves n'ont pas besoin de savoir ce qu'il s'est passé. Je refuse qu'Ava souffre davantage à cause de mes erreurs alors... Pourriez-vous ne pas ébruiter cette affaire ?
— C'est surtout votre réputation qui vous importe.
— Ma réputation ? Je n'en ai rien à faire, en revanche, Ava n'a rien demandé. Je pars sans faire de vague, mais si j'apprends qu'elle a souffert d'une quelconque manière à cause de cette histoire...
— Fallait y penser avant, me coupe-t-il. Mais n'ayez crainte, je ne dirais rien. »