Chapitre IV

59 6 13
                                    

Peut-être que les méthodes de Kowti'u n'était pas mauvaises. Désormais, nous savions différencier partiellement les champignons comestibles de ceux vénéneux, mais j'avais encore du mal avec les baies toxiques: elles se ressemblaient toutes! Belladone, morelle, baies d'argousier, groseille... Qu'est-ce que je m'en fichais. Ce n'était pas avec ça que j'allais attraper un renne ou un renard, ou, encore mieux, un lynx. Je savais bien que la chasse n'était pas au programme de cette saison chaude, mais je ne pouvais m'empêcher de frémir d'impatience dès qu'un simple chevreuil apparaissait dans mon champs de vision, le museau dans la mousse. C'était une proie offerte, et l'interdiction n'en était que plus frustrante.

Un soir, alors que je rentrais chez moi, mon regard fut attiré par un scintillement au-dessus de ma tête. Je levais les yeux et les clignais plusieurs fois, croyant halluciner. Je refermais d'un claquement sec ma mâchoire qui avait commencé à se décrocher. Les stalagmites n'apparaissaient que lors de l'hiver, elles étaient faites de glace, et surtout, elles se trouvaient dans des grottes enfouies sous la neige. Elles ne s'élevaient pas d'une branche d'arbre, et elles ne bougeaient pas: ce que j'avais sous mes yeux, c'était une colonne d'eau qui semblait grimper jusqu'à la lune.

«Je rêve. Je rêve. Je rêve. Je rêve. »

Je me répétais ces deux mots en boucle en secouant la tête, paupières closes. Puis j'inspirais et je redressai mon visage pour vérifier: plus rien. La branche, sèche, était seule à baigner dans le clair de lune. Ma gorge me chatouilla un moment avant que je laisse sortir le rire soulagé.

"- T'es fou, fit une voix.

Je bondis en me retournant, me cognant l'arrière du crâne contre le tronc.

- Nari? Tu fais quoi ici?

- J'étais de corvée de nettoyage du matériel de pêche. Arrête de sourire! C'est de ta faute! Et puis, toi, tu fais quoi? Il est drôle, l'arbre?

- Non, c'est juste... Euh... Non.

- Ben tu rigoles tout seul en pleine nuit face à un pauvre arbre tordu. C'est quoi la raison, si c'est pas qu'il est drôle?

- Ça te regarde pas. Et le répète pas, ou je dis à ton père que tu m'as embêté.

- T'es nul. Pauvre petit garçon embêté par une fille! s'écria-t'elle en prenant un air bête.

- Tais-toi! Et va-t'en, aussi! "

Elle haussa les épaules et s'en alla. Je savais qu'elle ne dirait rien, son père passait déjà son temps à l'envoyer faire les corvées, elle n'allait pas s'en rajouter.  Je soupirais et rentrais dans la ferme. Comme à son habitude, je trouvais mon père dans la pièce centrale. J'allais m'assoir près de lui après avoir retiré ma veste et mes bottes, usées par cette année passée principalement dehors. 

"- Je sais que ça ne va pas te plaire, mais Boora passera la nuit ici quelques temps.

- Quoi! Pourquoi?

- Isa Bo et d'autres de son âge ont cru amusant de lancer des cailloux sur son chalet. Malheureusement, une pierre plus grosse a frappé une vielle poutre et un bout de mur est tombé. On a beau être à la saison chaude, la température n'est pas assez élevée pour qu'elle tienne, surtout à son âge.

- Pourquoi on devrait payer pour leurs erreurs?

- Parce qu'on est seulement deux. Les autres familles sont trois au minimum, et les Chasseurs, dont moi, on naturellement pensé que ce serait plus simple de la faire venir ici.

- N'empêche qui si elle était d'accord pour une bâtisse en pierre, ce serait moins...

- Abel'o, coupa mon père. C'est décider. Tu lui prêteras ton lit et tu viendras avec moi.

Les larmes Monstrueuses [EN PAUSE]Onde histórias criam vida. Descubra agora