Chapitre II

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L'hiver passait, lentement. Tout était toujours trop blanc, c'était lassant. Les Chasseurs, après s'être reposés, avaient aidé les autres hommes et les garçons, dont moi, pour la pêche. La rivière était gelée, et j'avais l'impression que la glace se fissurerait sous mes pieds et que je serais alors englouti dans les eaux glacés... 

Les femmes, on les croisait rarement: elles se réunissaient par groupe d'affinités chez certaines, et tissaient, apprenant en même temps les ficelles de ce travail aux jeunes filles. Rares étaient celles qui y arrivaient, cependant, et j'étais bien content d'être un garçon pour ne pas avoir à passer des heures assis, à me torturer l'esprit pour réussir quelque chose de si ennuyant à mes yeux. 

La vielle Boora, elle, restait seule dans son pauvre lotissement, sous de nombreuses couvertures. Peut-être que son corps n'était d'ailleurs plus qu'un cadavre à l'heure qu'il était. Lian et moi nous amusions à écouter à sa porte lorsque nous parvenions à nous éclipser de nos tâches, et nous entendions parfois d'étranges grognements. Nous reportions ensuite tout ce que nous avions entendu aux autres, avec force d'exagération et d'hypothèses grotesques qui nous faisaient bien rire. 

Cet après-midi, en plein milieu de l'hiver, Lian et moi étions exceptionnellement libres. Avec quelques autres membres de notre bande, nous marchions tant bien que mal dans la neige poudreuse qui nous arrivait jusqu'aux cuisses, nous poussant maladroitement les uns les autres. On se dirigeait vers la rivière gelée, personne n'y était ce jour là. Arrivés à destination, nous fûmes surpris d'apercevoir quelqu'un penché sur la glace: on ne pouvait pas le reconnaître au cause de l'épais manteau, des gros gants et du bonnet qui couvrait tout le visage. N'étant pas encore repérés, Lian se proposa pour s'approcher de l'individu et lui faire peur. 

Tous enthousiastes devant cette idée qui chassa momentanément notre ennui, nous nous accroupîmes dans la neige, aussi bien dissimulés que pouvait l'être un troupeau de Chevra dans une pleine nue, autrement dit très mal. Mais l'inconnu était trop absorbé par... Par quoi d'ailleurs? Son étude pointilleuse de la glace? Je me demandais vraiment ce qu'il y avait d'intéressant là-dedans. Ça me rendait curieux. 

Lian aplatit brusquement ses deux mains sur les épaules de l'inconnu, qui poussa un cri aigu en bondissant sur le côté, ses fesses s'enfonçant dans la neige. Maintenant tournée vers nous, je la reconnaissais: Nari. Elle était toute rouge, et j'étais persuadé que ce n'était pas simplement dû au froid. Quoique avec le derrière dans la neiges, ça devait peler. Mais pour l'instant j'étais juste tordu de rire avec les autres.

Nous nous arrêtâmes brutalement de glousser en entendant le claquement sonore que fit la main de Nari sur la joue de Lian. Ce dernier, déséquilibré, en était tombé à terre et son visage était levé vers Nari qui le surplombait, yeux grand ouverts, choqué. En entendant les débuts de ricanements des autres idiots, je les fusillai du regard: "Fermez-la!

- Quoi? T'as vu comment il s'est fait battre facilement! Par une fille en plus. Et après il se dit le plus fort, hein? répondit l'un d'eux, Lijwoks.

- Ouais, il est peut-être nul en fait..., répliqua Vori. Voyant le visage de Lian se tordre de colère, j'intervins: il était trop impulsif et j'avais envie de profiter de mon jour libre.

- Et toi, à sa place? Elle l'a pris par surprise. Le nombre de fois où il te prévenait qu'il te frappait et que tu tombais quand même, tu peux toujours parler! En plus, c'est pas une fille, Ça, ça compte pas.

Vori rougit et baissa les yeux.

- Je... Ouais, tu as raison...

- Espèce de sale peste! cria Lian, si fort que nous sursautâmes tous.

Les larmes Monstrueuses [EN PAUSE]Onde histórias criam vida. Descubra agora