Jour 3

13 2 0
                                    


Après réflexion par téléphone la veille au soir, nous sortirions du département pour aller au lac du Bourget, essayer leur baptême de ski nautique. Décidément, avec elle, j'oubliais un peu que je nageais comme un pied. Voilà quelque chose qui allait pas mal être dérangeant... je m'allongeai sur mon lit en essayant de reproduire le crawl. J'étais absolument ridicule. Au pire... nous aurions des gilets de sauvetage, non ? Oui, alors tout irait bien. Aucune raison de m'en faire. Je préparai rapidement mon sac, le remplis de petits gâteaux, avec ma serviette, mon maillot, un short et un tee-shirt de rechange. J'achèterais à manger en route.


Je passai prendre Anna à son hôtel. Après encore une demi-heure de route, nous arrivâmes là-bas. J'avais réservé à peine notre décision prise. Les baptêmes ne commençant que l'après-midi, nous nous installâmes dans l'herbe bordant l'eau. Assis sur nos serviettes, nous discutâmes un peu, en installant tout ce qu'il nous faudrait pour aller dans l'eau, puis pour manger. Plus j'entendais la voix d'Anna, plus je sentais que je n'arriverais pas à m'en détacher.


– Et depuis quand veux-tu devenir pilote ?


– Depuis que j'ai dix ans. Je n'étais pas encore tourné vers l'armée, mais je pense que j'exercerai là-bas.


Un frisson me parcourut la colonne vertébrale à la vue du sourire qu'elle affichait. Ses yeux bruns se posèrent sur l'eau.


– Ça te dit que l'on aille se baigner avant qu'il n'y ait trop de soleil ?


– C'est parti, dis-je en me levant.


Nous nous dirigeâmes vers l'eau. Elle était fraîche, mais pas froide. Il ne nous fallut que très peu de temps pour être immergés jusqu'au cou. Je fis quelques brasses pour m'habituer à l'eau que je ne côtoyais pas beaucoup en dehors de ma salle de bain. Il y avait déjà beaucoup de monde, nous avions eu de la chance de trouver de la place à l'ombre. Une bande d'enfants entra dans l'eau bruyamment, à grands coups de pieds, histoire d'arroser tous ceux qui n'étaient pas encore assez mouillés.


– Elle est vraiment bonne, commenta Anna en parlant de l'eau.


– On a bien fait de venir aujourd'hui.


Déjà, au loin, on pouvait percevoir les habitués sur leurs jet-skis ou leurs skis nautiques, reliés à de petits zodiacs qui les tiraient à toute vitesse. Je déglutis silencieusement ; là, oui, j'avais peur. Et surtout, comment ne pas avoir l'air d'un idiot ? Je ne sais presque pas nager, et là-bas, la profondeur de l'eau est inimaginable pour un lac. Je décidai de m'éloigner un peu plus du bord, pour m'entraîner discrètement à nager là où je n'avais pas pied. Mais les grands coups de bras frénétiques que je donnais dans l'eau trahissaient l'assurance que j'affichais. Me calmant petit à petit, je me dis que j'étais peut-être sauvé : je venais de trouver comment tenir la tête hors de l'eau, m'éloignant toujours plus du bord. Je poussai un soupir de soulagement.


Je regardai la position du soleil. Il était bientôt midi, nous ferions mieux de sortir de l'eau pour aller manger et se sécher, avant que l'astre ne tape trop fort. Après un repas plein de discussions sur l'un et sur l'autre, nous partîmes vers la cabane des personnes encadrant le ski nautique. On nous reçut très rapidement, et en moins de deux, j'étais à bord de l'un des zodiacs, regardant Anna qui souriait et riait tout ce qu'elle pouvait, les cheveux au vent, en essayant de garder l'équilibre. À la regarder, ça avait l'air si facile.


Elle était tellement belle. Son maillot de bain bleu encre, en une pièce qui s'ouvrait autour de son nombril, lui allait parfaitement. Et les cheveux lâchés, elle était plus séduisante encore. Elle inspirait la liberté et la joie de vivre. Ce que j'aimerais partager ça avec elle.


En une seconde qui s'écoula très vite, elle lâcha la barre en bois qui la retenait au bateau, tombant dans l'eau, les skis et le gilet orange la retenant à la surface. Je retins mon souffle.


– Tout va bien ? demandai-je.


– Ça va nickel. On continue ?


Je souris de soulagement. Anna nagea jusqu'au bateau, où elle reprit la corde qu'elle avait l'air de tenir plus fermement cette fois, au vu de ses doigts crispés autour. Dix minutes plus tard, l'homme qui nous accompagnait l'aida à remonter dans le zodiac et à enlever son matériel.


– Allez jeune homme, c'est à vous, dit-il en se tournant vers moi.


Le cœur serré, je me levai.


– C'est parti, me fis-je pour me donner du courage.


On m'équipa et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'étais sur l'eau, tracté par le zodiac qui évoluait à toute allure. Et là, je ressentis cette liberté qu'affichait Anna. Le vent me fouettant le visage, l'impression d'être seul et de ne plus appartenir à personne. Un grand sourire se peignit sur mon visage ; je n'avais plus peur de tomber, de me noyer, ou d'avoir l'air ridicule. Solidement accroché à la barre, je tournais et bondissais au rythme de l'eau. Et j'aimais ça.


Quinze minutes de liberté, c'est bien trop court. Mais je me souviendrai toujours de cette sensation. Autant que de celle que j'ai éprouvée en rencontrant Anna. On retourna à la cabane, où on nous donna un carton à chacun. Le mien disait : « Baptême de ski nautique : Acquis pour Quentin Costelli le 20 août 2015 ».


Tous sourires, Anna et moi allâmes ranger nos diplômes dans nos sacs.


– C'était vraiment super. Tu as eu une bonne idée.


Je lui souris. Pendant la demi-heure suivante, nous restâmes à l'ombre pour lire en attendant de pouvoir se baigner à nouveau. Anna était toujours aussi belle que plus tôt. J'avais même l'impression que sa beauté décuplait avec le temps qui passait. Feignant de relire mes fiches pour mon brevet, je jetais souvent des coups d'œil sur son visage à la peau claire. Et quand je lisais vraiment, je sentais son propre regard posé sur moi, ce qui me plongeait dans une gêne, mais aussi un plaisir très profonds. Plus tard, quand je lui ai demandé ce qu'elle prévoyait pour le lendemain, elle m'a chuchoté qu'elle avait un problème familial. Son père allait être enterré ce jour-là. Il voulait que son corps soit enseveli dans sa région natale.


– Je suis sincèrement désolé, soufflai-je.


– Personne ne pourra plus rien y changer. Seulement, cela te dérangerait-il de m'accompagner ?


J'ouvris de grands yeux. Elle s'expliqua :


– J'ai besoin de sentir la présence de quelqu'un qui pourrait m'aider.


– Et tu voudrais que ce quelqu'un, ce soit moi ?


– Si tu l'acceptes, j'aimerais bien, oui.


– Si ça peut te soutenir, il n'y a aucun souci.

Moonlight BeatsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant