XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée

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Elle lui attrapa le bras et l'attira à l'écart, s'assurant que personne ne voyait par où ils allaient disparaître. Par bonheur, les indiens venaient de déboucher un large fût d'une boisson inconnue, et l'attroupement autour de la barrique monopolisait l'attention. Les deux amoureux en peine purent s'enfuir sans trop de problèmes.

– Et où allons-nous comme ça ? murmura Olivier en un souffle qui effleura la nuque de Rose.

– Je ne sais pas trop, reconnut la rouquine. Loin. Là où personne – ni indiens, ni licornes, ni alligators ou Edelweiss – ne viendra nous déranger. J'ai peut-être un peu exagéré hier soir, tu sais ; et j'aimerais bien profiter du temps qu'il nous reste pour me faire pardonner, avant que tes devoirs de sauveur de sanctuaire ne t'arrachent à moi pour de bon !

Olivier rit de bon cœur, et força Rose à s'arrêter en la prenant dans ses bras et en la faisant tournoyer autour de lui, ses mains puissantes resserrées sur la taille fine de la jeune fille. Mal lui en prit, toutefois, car il trébucha bien vite sur une racine et s'étala sur le sol, sa galante amie avec lui. Ce qui poussa cette dernière à se faire la réflexion que les romans à l'eau de rose n'étaient décidément guère réalistes, et que dans la vraie vie, rien ne s'y passait de la même manière. Puis les deux tourtereaux se rendirent compte qu'ils avaient atterri en plein sur une fourmilière, et la rouquine n'eut plus le loisir de penser à grand-chose d'autre qu'à se lever et à prendre ses jambes à son cou en hurlant.

La chance devait jouer de leur côté ce jour-là, car leur fuite paniquée et désordonnée les conduisit en plein en face d'un joli petit lac d'eau fraîche, au sein duquel cascadaient plusieurs sources claires en chantant. L'endroit était évidemment idyllique, mais cela n'intéressait guère Rose et Olivier pour l'instant, occupés qu'ils étaient à tenter de se débarrasser de l'armada de fourmis qui leur escaladaient bras et jambes et s'infiltraient dans leurs vêtements. Ils se jetèrent tous deux à l'eau sans réfléchir et ôtèrent soigneusement les habits attaqués, pour finalement lâcher un soupir de soulagement simultané.

– Je suis terriblement navré, Rose... commença Olivier, ses traits effectivement tordus en une grimace terriblement navrée.

– Il n'y a pas de mal, parvint à sourire la jeune femme, tout en examinant ses bras et ses cuisses pour s'assurer que les petites teignes ne l'avaient pas piquée. Je m'en sors sans dommage ! J'ose espérer que toi aussi ?

Elle leva enfin les yeux vers lui pour le vérifier d'elle-même, et ce fut plus ou moins à ce moment-là que les deux jeunes gens réalisèrent qu'ils se tenaient face à face, à une vingtaine de centimètres de distance, pratiquement nus. D'un accord très commun, ils décidèrent que ces vingt centimètres-là étaient de trop et se sautèrent mutuellement dessus.

Lorsque leurs lèvres daignèrent enfin se décoller un peu, une dizaine de minutes plus tard, Rose plongea ses yeux dans ceux d'Olivier, et une fois encore, se rappela combien elle était parfaitement heureuse dans ses bras, et s'émerveilla de cette étrange communion qui les reliait tous deux. Elle vit les sourcils de son compagnon se froncer légèrement.

– Vous m'en voyez encore une fois désolé, murmura-t-il, mais...

Tu, le corrigea Rose, distraite par des pensées d'une chasteté relative, lesquelles étaient largement alimentées par le côté sombre que donnait à son amant sa tignasse détrempée lui tombant devant les yeux ainsi que la marque de coup sur sa pommette.

– Tu m'en vois désolée, se corrigea-t-il alors, mais je me demandais si cette espèce de branche morte qui flotte juste derrière toi ne serait pas un anaconda.

Interloquée, Rose se retourna en sursaut, juste à temps pour voir la branche en question se mouvoir en serpentant. Elle hurla – encore – et les deux jeunes gens furent à nouveau forcés d'abandonner leur nid d'amour dans l'urgence, ne s'attardant que pour récupérer leurs vêtements détrempés qui flottaient alentour. Le bayou n'était décidément pas un lieu propice aux amourettes.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now