XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée

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Chardon venait de frapper Valerian, pour une raison tout à fait obscure, mais sans doute parfaitement logique dans sa petite tête brune et bouclée. S'étant excusée, elle décida que les convenances voulaient sans doute qu'elle vienne en aide à son sauveur et ennemi occasionnel – les deux notions menaient un duel des plus intenses derrière ses pupilles dilatées, mais la première semblait peu à peu prendre le dessus sur la seconde. Elle se pencha donc vers Valerian, dans l'idée, sans doute, de s'enquérir plus sérieusement de son état et d'examiner ses multiples bleus et égratignures avec plus de sérieux. En état de choc plus ou moins profond et à bout de souffle, Chardon ne disposait toutefois pas de la dextérité et de l'agilité dont elle se croyait maîtresse. Ses bras la lâchèrent, et elle s'écrasa lourdement sur la poitrine de son malheureux vis-à-vis, d'ores et déjà bien amoché, pourtant.

– Pardon Val pardon Val pardon Val pardon Val... articula-t-elle à toute vitesse en guise d'excuse, tâchant – fort maladroitement – de se relever. Je ne t'ai pas fait...

– ... mal. Très mal. Aïe.

Le concerné remua un peu, mais un rictus tordait ses traits et la vigueur semblait lui manquer. Chardon demeurait plus ou moins affalée au-dessus de lui, mais parvint néanmoins à relever un peu la tête, pour plonger ses yeux aux improbables nuances violettes dans ceux du jeune homme, décidément bien mal récompensé pour son acte de bravoure. Il demeurait néanmoins d'un calme remarquable – à moins que ce ne fut la douleur qui le clouât littéralement au sol.

– S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour toi... murmura Chardon, aussi honteuse que confuse.

Une improbable lueur lubrique vacilla au fond des pupilles dilatées du pauvre Valerian.

– Eh bien, puisque tu es là et que tu ne sembles pas avoir l'attention de bouger, j'ai bien une petite idée, grommela-t-il tout en s'efforçant d'esquisser un semblant de sourire moqueur – pâle imitation des grimaces narquoises qu'il offrait à Chardon de coutume.

La damoiselle s'estima bien évidemment atteinte dans son honneur. Elle rougit, pâlit, rougit, remarqua – enfin – que dans sa tentative de se dégager, les mains de l'impudent avaient atterri en plein sur sa généreuse poitrine – quel hasard décidément –, rougit de plus belle et songea très sérieusement à asséner un troisième coup sur le visage déjà bien amoché de Valerian.

– Enfin, c'est toi qui vois, osa encore la narguer ce dernier – sans pour autant songer à retirer les mains incriminées.

Pour toute réponse, le front de Chardon rebondit doucement contre le sien, laissant leurs peaux tachées de terre et de sueur – et de sang aussi, concernant Valerian – entrer en contact un bref instant. La jeune femme gardait ses yeux fermés, et de ses lèvres entrouvertes s'échappait le filet d'air d'un soupir exaspéré, qui se mêlait étrangement au souffle lent de son adversaire de toujours. Elle sembla peser le pour et le contre quelques secondes durant, à moins qu'elle ne s'applique à évaluer la violence du coup qu'elle pouvait se permettre d'asséner à un infirme tout en demeurant moralement correcte. Puis finalement, alors qu'elle semblait sur le point de prendre sa décision, Valerian en eut visiblement assez de patienter dans cette position des plus inconfortables, et sembla se décider à prendre les devants. Il dégagea l'un de ses bras, referma doucement ses doigts sur la nuque de Chardon et l'attira plus près. Leurs lèvres se rivèrent en un baiser agressif.

– Espèce de gourgandine pudibonde, grommela le jeune homme entre deux baisers. Ça t'aurait tué de faire le premier pas, hein ?

– Hors de question que je laisse gagner un cuistre libidineux dans ton genre, répliqua Chardon, le tout toujours entrecoupé de baisers.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now