XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée

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Aguaje pouffa, toujours incapable de se prendre au sérieux – et ne comprenant visiblement toujours pas où voulait en venir Rose.

– Que d'inquiétudes pour un simple baiser volé, sourit-il. Tu ne me dois rien, Rose. Je dois certes avouer que le fait que tu me refuses ton amitié m'attristerait un peu, mais je m'en remettrai. Et j'irai peut-être coller un poing au pauvre type qui serait parvenu à voler ton cœur, mais seulement pour me défouler, promis ! Rien de personnel.

La jeune femme déglutit difficilement, hocha la tête une fois, puis une deuxième. Elle ne chercha pas à emmener la conversation plus avant ; ce qui devait arriver finirait bien par arriver. Et puis, qui savait... Olivier gagnerait sans doute un côté mauvais garçon relativement sexy avec un œil au beurre noir.

Elle l'aida donc à emmener les quelques plats prévus à leur intention en direction de leur maison d'un soir, appréciant les délicieux fumets qui s'élevaient de la casserole de ragoût d'ornithorynque au manioc, ainsi que les couleurs vives des plats de fruits exotiques – bananes aux courbes arrondies, mangues juteuses, anones des marais à la belle couleur verte, dattes et figues, fruit de la passion, pomme-surette, et d'autres encore, dont Rose ne connaissait même pas le nom.

Elle se prit d'ailleurs à espérer que tous étaient bel et bien comestibles et qu'il ne s'agissait pas là d'une tentative d'empoisonnement particulièrement sophistiquée, sans quoi elle mourrait très certainement, tant le plat lui paraissait appétissant. À défaut de pouvoir se déterminer, elle étouffa ses soupçons en se persuadant de ne manger que les fruits qu'elle aurait vu Aguaje avaler d'abord, ce qui lui sembla une alternative des plus satisfaisantes.

Les autres réservèrent un bon accueil à la nourriture offerte, eux qui n'avaient mangé que leurs provisions peu ragoûtantes depuis leur départ du manoir. Aguaje eut toujours droit à des regards méfiants, mais Edelweiss finit par se détendre, incapable de demeurer fâchée plus longtemps qu'une dizaine de minutes, et reprit avec son vieil ami des relations plus normales, pépiant sans cesse pour lui conter ses multiples aventures et s'enthousiasmer de son séjour dans la jungle. Rose, quant à elle, maintenait une distance de sécurité à l'égard d'Olivier, qui ne s'en offusqua toutefois pas, prenant certainement cette attitude froide pour une volonté de ne pas s'afficher en public. Il passa ainsi l'essentiel de la soirée à disserter avec Valerian, avec qui il s'entendait de mieux en mieux – il fallait dire que les circonstances aidaient, les deux garçons n'ayant que rarement l'occasion de côtoyer des jeunes hommes de leur tranche d'âge, l'un en raison de l'isolement dans lequel le maintenant son statut de fils de, l'autre parce qu'il se trouvait généralement harcelé par trois charmantes damoiselles, respectivement Rose, Edelweiss et Chardon, et qu'il ne restait dès lors plus une seule seconde pour des amis masculins dans son emploi du temps.

Rose rattrapa donc le temps perdu en bavardant avec sa cousine, qui lui avoua d'une voix blanche qu'elle trouvait Valerian changé, depuis quelques jours. Elle se reprit presque aussitôt en l'insultant copieusement, comme si elle n'avait pu supporter la seule idée de s'inquiéter pour le sort de son compagnon – bien involontaire – de pirogue.

– Ce n'est pas lui qui change, grommela Rose en réponse. C'est ton regard à son égard. Valerian a toujours été un garçon charmant – possédant certes un humour des plus particuliers et ayant la malheureuse tendance d'un peu trop bien s'entendre avec Edel, mais charmant néanmoins.

Chardon ne nota pas le sous-entendu assez évident comme quoi leur ami de toujours aurait incarné un petit-ami potentiel des plus alléchants, entièrement absorbée par ses propres réflexions.

– Il a l'air tellement triste, murmura-t-elle. Ça ne devrait pas m'atteindre, mais tu sais... je m'inquiète un peu pour lui, en fait.

Valerian éclata de rire, réagissant à un bon mot d'Edelweiss à cet instant même, anéantissant légèrement la théorie sur sa dépression potentielle, mais Rose préféra ne pas relever, trouvant Chardon enfin aiguillée sur la bonne voie : celle où elle réalisait enfin ses sentiments de toujours pour leur ami d'enfance.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now