XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée

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– Je ne comprends pas ce que cherche à faire Gaïa en orchestrant toutes ces manigances, maugréa Chardon lorsque sa cousine eut achevé son récit, faisant montre d'une humeur maussade.

– Elle veut mourir, répliqua Rose, hésitante. Et je crois que je suis en mesure de comprendre ses motifs, d'une certaine manière... Ça me fait peur.

Les trois filles marquèrent un silence buté, conscientes d'en arriver au point où elles devaient cesser de parler et s'imaginer un nouveau plan d'action. Il leur manquait cependant des informations cruciales afin de véritablement appréhender les actions et pensées de Gaïa.

– Ne me regardez pas comme ça, je n'en sais pas plus que vous ! protesta Valerian lorsqu'il redevint le centre de l'attention, cible de toutes les suspicions.

Nouveau silence, durant lequel Rose eut la nette impression de voir tourner à plein régime les petits rouages vicieux du cerveau de sa sœur. Elle cessa même de réfléchir, pour la peine, persuadée qu'Edelweiss ne tarderait pas à leur exposer un plan génialement idiot qu'ils s'empresseraient de mettre en œuvre.

– Aguaje ! s'écria soudain la blondinette, avec la même fierté dans la voix que si elle venait d'inventer la roue ou le sac à main en peau d'alligator.

Rose se dit soudain que ce plan-là ne risquait guère de lui plaire.

– La tribu d'Aguaje vit au plus profond de l'Île, en communion avec la nature. Ils doivent comprendre leur terra mater bien mieux que nous en ce moment ! Ils pourront décortiquer les intentions de Gaïa pour nous ! Qui sait, ils pourront peut-être même donner suffisamment d'arguments à Olivier pour le convaincre de parler à son père, et de faire cesser la création de la mine à ciel ouvert !

En soi, l'idée tenait debout. Elle arracha même des oh appréciateurs à Chardon et Valerian, qui l'approuvèrent aussitôt. Ils déchantèrent cependant rapidement en apprenant que l'endroit se trouvait à au moins une semaine de pirogue du manoir familial, et ce à condition de ne pas revivre quelques légers incidents impliquant de futurs sacs à main.

Un nouveau conciliabule se tint, visant cette fois à déterminer qui se rendrait sur place – tout le monde se porta volontaire, même si Chardon et Rose le firent avec un peu moins d'enthousiasme que les deux autres, sentant encore des sueurs froides courir le long de leurs colonnes vertébrales quand elles songeaient à leur dernière expérience dans le bayou.

– On partira ce soir ! décida finalement Edelweiss. Juste le temps de réunir quelques provisions sans attirer l'attention de Maman ou de Gaïa, et puis nous disparaissons. Je connais l'endroit où les indiens cachent leurs pirogues de secours. Pas le top de l'aérodynamisme, mais ça fera l'affaire.

Chardon fit très justement remarquer qu'un voyage de nuit impliquait quelques menus problèmes, comme le fait de ne pouvoir repérer les chutes d'eau en avance, ou pis, les sympathiques habitants du bayou.

– On risque effectivement de rentrer dans quelques alligators, reconnut Edelweiss. Mais il en faut plus pour couler une pirogue. Sans compter que la nuit offre un avantage non négligeable à ce niveau-là : les bestioles dorment. Du moment que les deux greluches que vous êtes évitent de crier à tort et à travers, tout se passera pour le mieux !

Rose voulut protester, mais un mouvement en dessous de la plateforme attira son attention. Elle réalisa aussitôt que, prise dans le feu de la discussion, elle en avait complètement oublié Olivier.

– J'ai tout entendu ! leur cria-t-il depuis le sol. Vous pardonnerez le manque d'éducation cinglant dont je fais part ici, mais vous écouter à la dérobée était le moyen le plus rapide de vérifier que vous ne vous moquiez pas de moi.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant