XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée

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– Il vient, lâcha-t-elle soudain, comme si elle craignait de revenir sur sa décision. Il vient, mais il va falloir un bon moment pour tout lui expliquer.

– Bah, une bonne grosse mise à plat ne fait jamais de mal à personne. Espérons juste que personne n'en vienne aux mains – à supposer que Cha et Val ne se soient pas encore entretués, cela dit. J'aurais dû y songer quand je les ai envoyés tous seuls tous les deux dans la forêt.

Rose ne put réprimer un petit sourire, malgré la situation complexe dans laquelle ils étaient tous fourrés. Puis, la boule au ventre, elle regarda Olivier s'extirper de la voiture et s'avancer vers Edelweiss et elle.

– Bonjour, murmura-t-il simplement.

Il échangea les politesses d'usage avec Edelweiss et embrassa Rose sur la joue, avant de reculer de quelques pas, indécis. Il semblait accorder un intérêt curieux à la demi-sœur de son amie, l'observant à la dérobée.

– Olivier, se lança alors Rose. Aujourd'hui, c'est moi qui te kidnappe. Suis-nous et ne pose pas de questions. Tu auras droit à toutes les explications qui te plairont quand on sera arrivés.

Elle agrémenta le tout d'un sourire charmeur, espérant sincèrement que cet artifice suffirait à convaincre son vis-à-vis.

Le jeune homme ne parut clairement pas parvenir à déterminer s'il devait considérer la déclaration de Rose comme une bonne ou une mauvaise chose. Heureusement, Edelweiss usa de son charme – et rattrapa les bourdes de sa sœur, comme souvent – en chemin afin d'initier un début de conversation – elle avait toujours été bavarde et aurait été capable de tenir une conversation avec une poignée de porte si cela s'était avéré nécessaire ; aussi ne peina-t-elle pas trop à détourner l'attention d'Olivier de l'étrangeté de l'accueil qui lui avait été réservé, au soulagement de Rose. La rouquine n'acceptait pas la tournure prise par les événements avec autant de facilité que sa cadette. Elle craignait la réaction d'Olivier lorsqu'elle lui dirait tout ce qu'elle avait à dire. Et à moindre échelle, elle craignait également que Chardon et Valerian ne se soient entretués durant ces longues minutes où ils demeuraient en tête-à-tête dans la jungle.

Les éclats de voix qui parvinrent jusqu'aux oreilles de Rose à mesure qu'ils approchaient de leur lieu de rendez-vous la rassurèrent cependant quant à ce dernier point. Ses deux amis devaient se trouver en parfaite santé pour parvenir à hurler si fort qu'ils faisaient fuir tous les oiseaux à un kilomètre à la ronde.

– On repassera pour la discrétion, grommela Edel en faisant rouler ses yeux dans ses orbites. Quelle partie de « soyez silencieux » n'ont-ils pas compris, à ton avis ?

Elle n'attendit pas la réponse de Rose, se contentant de pousser un soupir excédé avant de reprendre sa conversation avec Olivier comme si de rien n'était – ils débattaient alors des bienfaits et méfaits des différents types de colle à bois sur les constructions en allumettes, et plus particulièrement sur celle des dômes ellipsoïdaux. L'incongruité de la discussion laissa Rose pantoise.

Les trois jeunes gens finirent par atteindre leur destination, soit le lieu depuis lequel Chardon et Valerian émettaient leur violente dispute – il était apparemment question de déterminer lequel d'entre eux devait être tenu responsable de leur animosité de longue date, sujet de controverse qui revenait suffisamment souvent pour que Rose ait appris à le craindre. Elle espéra de tout cœur qu'Edel saurait user de son charme sur eux avec la même efficacité que sur Olivier.

Ce dernier demeura stupéfait en découvrant le lieu de leur réunion. Il fallait dire que l'endroit était particulièrement beau : un arbre immense – un sycomore – se dressait au centre d'une clairière tapissée de fleurs bleues et violettes. Dans les branches du vénérable végétal, le père d'Edel et beau-père de Rose, Frêne, avait monté une plateforme dotée ça et là de semblants de murs et de toits. Enfants, Valerian et les filles avaient passé des centaines et des centaines d'heures à jouer dans leur merveilleuse cabane, qui devenait tantôt un navire de pirates, une maison de poupée, ou un donjon où demeuraient enfermées quelques princesses rebelles. Aujourd'hui, la cabane ne serait le théâtre d'aucun jeu innocent, mais le quartier général des soldats de la Mission Licorne. Ainsi en avait décidé Edelweiss.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now