Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)

Chapitre 13 : La fille de Bélénos

-Beurk, c'est dégueu, maugréai-je en plaquant de nouveau ma tête contre la pierre froide.

-Ne t'inquiètes pas, Cernunnos va faire disparaitre cette vilaine blessure. N'est-ce pas ?

Mais Cernunnos ne répondit pas. Il se contentait de fixer ma chair sanglante avec horreur. Il secoua la tête avec lenteur, alors que ses bois pulsaient à une vitesse folle.

-Je ne peux pas. Je n'ai pas les pouvoirs de guérir le venin de sirène. Je ne peux pas la soigner.

Il semblait bouleversé. Non il était bouleversé. Ninon le regarda sans rien dire, la bouche ouverte.

-C'est une blague ? finit-elle par articuler.

Le dieu cerf la regarda, impuissant et secoua la tête. Alors, une idée me frappa, coupant mon souffle, comprimant mes poumons. Je hoquetai, les larmes aux yeux.

-Je ... Je vais mourir ? demandai-je, tout en connaissant la réponse.

Cernunnos, baissa la tête, impuissant. Mes yeux s'embuèrent de larmes et je hoquetai de plus belle. L'air ne parvenait pas à pénétrer mes poumons en feu, et mon bras me faisait encore plus mal. J'allais mourir ici, au pied de ce phare, si près du but. J'allais crever là, laissant Nico à son sort. J'allais m'éteindre sans pouvoir dire au revoir à tous ceux qui m'étaient chers. J'étouffais. J'allais mourir. Mourir au pied d'un phare, balayé par les vents et les flots. Juste mourir.

Mes doigts se serraient et se desserraient compulsivement sur le bras du Ninon. Elle tourna son visage vers moi, et il n'exista plus que ses yeux. De magnifiques prunelles de la même que le ciel d'été, illuminé par le soleil.

-Tu ne vas pas mourir, Gwen. Ça va aller. Regarde-moi. Ecoute-moi. Respire. Respire.

Il n'y avait plus qu'elle et moi. Le phare, la mer agitée, le ciel noir, la lune et les étoiles, tout avait disparu. Même Cernunnos n'existait plus. Il n'y avait plus que sa voie.

Ninon.

Mon amie.

Ma sœur.

Celle qui me tenait en vie.

Celle qui allait me sauver.

Je lui faisais confiance. Elle posa les mains sur mon visage.

-Respire.

J'inspirai le plus calmement possible. Une bouffée d'air gonfla mes poumons brûlant.

-Encore. C'est bien. Regarde-moi.

Je plongeai dans les deux puits bleus qui me faisaient face. Je n'avais plus peur. Elle était là, tout irait bien. J'inspirai et expirait de plus en plus doucement, de plus en plus calmement. Bientôt, ma crise d'asthme fut passée. Mais j'avais encore mal à mon bras. Alors, elle le prit entre ses paumes, comme si elle avait lu dans mes pensées, sans me quitter des yeux.

-Ca va aller. Tu vas vivre, Gwen. Je te le promets. Sur ma vie, je te le jure, tu vas vivre. Je ne te laisserai pas.

-Je sais.

Je ne sais pas combien de temps nous restâmes ainsi, le cœur battant à l'unisson au milieu de cet enfer, luttant toutes les deux contre une blessure mortelle. J'avais l'impression d'être dans un autre monde, perdue sur une île déserte, buvant la fontaine de jouvence avec la même intensité que je dévorais les yeux de Ninon du regard. Peu à peu, tout doucement, la douleur se dissipa. Enfin, elle écarta ses mains de mon bras, et le lien qui s'était tissé se brisa, faisant éclater notre monde en mille morceaux de verre. Je posai alors les yeux sur mon bras.

Mon cœur rata un battement.

Si la morsure était encore présente, elle semblait avoir été désinfectée complètement, et surtout, les affreux tentacules de venin avaient disparu. Mon regard passa de mon bras à Ninon, qui ne semblait pas plus comprendre que moi. C'est comme si nous nous étions réveillées d'un rêve particulièrement agréable.

-C'est moi qui ait fait ça ? demanda-t-elle, interloquée. C'est moi qui t'ai guérie ?

Je hochai la tête, déconcertée.

-Je crois, oui. C'est dingue. Incroyable.

Je portai alors mon regard sur Cernunnos, dont les yeux semblaient sur le point de sortir de sa tête.

-T'as une explication ? demandai-je.

Il mit un moment avant d'ouvrir la bouche.

-Je crois oui. Mais je n'arrive pas à y croire.

Il fit une pose et regarda Ninon.

-Je pense que tu es une descendante de Belenos. C'était mon ami, il a été enfermé par Merlin, lui aussi. C'est le dieu du soleil et le Grand Guérisseur de Lug. Bel a toujours aimé les femmes, et je sais qu'il a eu de nombreux enfants avec ces femmes, mais je ne pensais pas qu'il pouvait leur transmettre ses pouvoirs. C'est incroyable.

Elle ne réagis pas tout de suite, comme paralysée parce qu'il venait de dire.

-Attends, t'es en train de me dire que moi aussi, je suis une druidesse ? Comme Gwen ?

Il secoua la tête, amusé.

-Non, tu es simplement une humaine qui a hérité des pouvoirs de son ancêtre. Contrairement à Gwen, tu n'es pas une créature magique. Je ne sais pas si tu pourras utiliser tes pouvoirs à volonté où s'ils se révèlent simplement quand tu en as besoin. En tous cas, heureusement que tu étais là, sinon je ne sais pas ce qui serait arrivé à Gwen.

Un silence pesant s'installa. Puis, alors qu'une autre des innombrables vagues que l'océan avait décidé de déchainer sur nous percutait la pierre du phare, je me mis sur mes jambes. Je vacillai un instant mais réussit à tenir debout.

-Bon, on a perdu assez de temps. La perle est là-haut, et elle n'attend que nous. Allos la récupérer.

Ninon et Cernunnos m'imitèrent et nous nous mîmes tous les trous face à la porte du phare. Je soupirai.

-Bon, ben c'est parti. Espérons que rien d'autre ne nous attend là-dedans.

***

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