Chapitre III

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Je crois que la plus belle chose qui puisse exister en ce monde est le premier rire d'un enfant, surtout le sien.

Certains diront que c'est la naissance mais n'ayant pas assisté à celle de Nylan, je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus.


Le mois de juin débutait tout juste lorsque son premier rire éclata dans la pièce alors que je bataillais avec ses jambes potelées pour lui enfiler un petit short.

Il tenait sa peluche entre ses doigts, portant l'oreille de celle-ci dans sa petite bouche, sans me lâcher de son regard pétillant.

Je ne connaissais pas la raison de ce sourire mais il ôta un poids dans ma poitrine alors que j'angoissais de chaque jour à venir, espérant que chaque mission d'intérim soit prolongée.

J'avais toujours eu des économies, épargnant la moindre pièce trouvée par terre mais elles avaient fondu en un clin d'œil, juste le temps d'équiper ma chambre de tout ce dont pouvait avoir besoin Nylan.

Mais mon amour pour mon fils prenait tellement de place dans mon cœur que je me fis une raison, c'était pour la bonne cause.


Nylan habillé, je le repris dans mes bras et descendit au salon où ma mère s'affairait à emballer les vêtements trop petits de mon fils, qui avaient été vendus.

Je ne voulais pas trop dépendre de mes parents mais j'avais cédé quand ma mère s'était proposée pour mettre en ligne les vêtements.

Elle avait sa boutique de bijoux en ligne depuis pratiquement une dizaine d'années maintenant et n'avait pas son pareil pour faire des jolis colis.

Mon père avait bien compris que je voulais assumer seul financièrement Nylan mais ma mère avait déniché de bons arguments et nous avions finalement convenu qu'elle s'occuperait de revendre ce que Nylan n'utilisait plus.

Mon paternel quant à lui avait exigé la garde son petit fils quand j'avais du travail, fraichement retraité, il tournait en rond quand il n'y avait plus rien à faire dans le jardin.


En me voyant arriver, ma mère stoppa ce qu'elle faisait et tandis les bras pour que j'y glisse son petit-fils.


- Trois ventes aujourd'hui, il ne reste plus que deux bodys en deux mois et ce sera terminé pour cette tranche d'âge !

- Merci maman. Je vais déposer tout ça sur le chemin. Deux boutiques sur la grande avenue de la plage ont affiché des offres d'embauches.


Elle acquiesça avec un sourire, bien que je la voyais tentée de sortir son portefeuille et de me donner de la monnaie, sous prétexte qu'il lui manquait quelque chose pour le repas de ce soir.

Chaque fois qu'elle l'avait fait, les pièces rendues s'étaient mystérieusement téléportées dans le bocal à petite monnaie qui trainait sur mon bureau.


Les colis casés dans mon sac à dos, mon fils sur les genoux de son grand-père devant une émission sur les arbres et la pochette bleue dédiées à mes CVs sous le bras, je quittais la petite maison de plein pied où j'avais toujours vécu.

Nous avions de la chance d'habiter en bord de mer, nous étions relativement épargnés par les intempéries de ce côté-là du pays et l'été, la chaleur était supportable grâce à l'air marin.


J'empruntais le chemin qui longeait la plage, peu après avoir quitté le jardin familial et me débarrassais rapidement de mes chaussures.

Les grains de sable abrasaient assez vite mes pieds car j'avais la manie de ne pas porter de chaussettes dans mes tennis.

Je glissais mes pieds dans le sable chaud avec un plaisir qui ne s'échaudait pas malgré les années.

J'adorais ce moment de l'année où il n'était pas encore brûlant et surtout souillé par les touristes.


Je continuais ma route sur la plage et mes pas me menèrent jusqu'à une petite plage privée que seuls les locaux savaient abandonnée depuis des années.

Avant que je n'aie la garde de Nylan, il m'arrivait d'y passer de longues après-midi les week-ends ou lors des vacances scolaires, un livre sur les genoux.

Depuis que mon fils était entré dans ma vie, je mettais un point d'honneur à ramener un nouveau coquillage chaque semaine même s'il était encore trop petit pour savoir ce que c'était.

Cependant ses yeux pétillaient lorsque je lui montrais une nouvelle coquille et ce simple fait me donnait envie de recommencer la semaine suivante.


La plage était partiellement ombragée et quelques bosquets persistaient malgré l'avancée du sable chaque année.

Je me stoppais à l'ombre d'un arbre, appuyant mon dos contre l'écorce et restais sans bouger quelques minutes, contemplant cette mer qui semblait plus bleu ici que nulle part ailleurs.

Comme bien souvent, les histoires que me racontait ma grand-mère quant j'étais enfant s'imposèrent à mon esprit, me faisant sourire à nouveau.

La mère de mon père avait toujours été passionnée par les légendes antiques liées aux mers et aux océans mais sans mentir, mes yeux d'enfant ne s'y intéressaient pas car peu de ces histoires se terminaient dans le bonheur.

Si bien que maintenant, il me manquait des bouts tant j'avais été peu attentif.

Et je le regrettais, ne pouvant pas transmettre tout ceci à mon fils.


Un éclat lumineux à l'autre extrémité de la plage me fit sortir de mon état contemplatif.

Je détournais alors le regard de l'étendue bleutée pour comprendre ce qui avait attiré mon attention.

Quelques instants plus tard, je frottais mes yeux, peu certain que ce que je voyais soit réel.

Etais-je encore en manque de sommeil malgré les réveils de moins en moins fréquents de mon fils ?

Ou avais-je des hallucinations ?


Je me décidais finalement à me lever, m'approchant à pas de loup malgré la curiosité qui me rongeait la peau.

Une fois mon but atteint, je m'accroupissais, un soupir d'admiration quitta mes lèvres sans que je ne puisse le contrôler quand je frôlais du bout des doigts la longue et fine queue écailleuse.


Je m'étais attendu à ce qu'elle soit rugueuse mais au touché, les écailles semblaient recouvertes d'un léger voile duveteux qui rendait le tout étrangement doux.

Et je ne savais même plus où poser mon regard tant j'étais émerveillé.

J'avais l'impression d'être dans le même état que Nylan lorsqu'il avait découvert qu'il pouvait bouger ses doigts en même temps que ses orteils.


Mes yeux croisèrent les siens, épuisés, plus bleus que l'eau que j'admirais quelques minutes plus tôt avant qu'ils ne se ferment.

Je m'asseyais finalement sur le sable tiède, effleurant sa chevelure d'or emmêlée par l'eau salée sans que mon regard ne puisse se détacher de Lui.

Corail [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant