XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée

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Demeurait une question, une question primordiale. Et elle tournait comme une toupie dans la tête de Rose, à tel point que cette dernière sentait peu à peu poindre une migraine. Oui, une question la tenaillait, une seule : pourquoi ? Pourquoi Gaïa semblait-elle œuvrer à la destruction de l'Île, main dans la main avec Monsieur de Tantale ?

Le repas se termina ainsi sur une exquise Charlotte aux fraises, à laquelle Rose ne fit cependant pas honneur – s'attirant un regard noir de la part de la cuisinière. Elle mordilla le bout de sa cuillère, n'attendant qu'un seul instant : celui où elle rentrerait enfin chez elle, éviterait les questions d'Edelweiss, Chardon et Valerian – et celles, plus embarrassantes sans doute, de sa mère – et grimperait en quatrième vitesse jusqu'aux combles, pour confronter Gaïa. Elle voulait savoir ! Elle devait savoir !

Une fois le café terminé, Olivier insista pour la raccompagner, croyant sans doute que son mutisme de la fin du repas lui était destiné, et déterminé à tirer les choses au clair. Rose se sentit coupable de l'avoir si mal traité, mais elle ne pouvait s'empêcher de demeurer obnubilée par ces yeux, ces yeux verts, si verts... À quoi jouait Gaïa ?

– Vous paraissez contrariée, lui souffla Olivier, lorsqu'il prit place à côté d'elle sur la banquette arrière de la voiture de son père, tandis que le chauffeur mettait le moteur en route.

Rose leva les mains comme pour montrer son impuissance, réellement désolée. Le jeune homme s'était montré si gentil avec elle ; il ne méritait certainement pas un tel traitement.

– C'est à cause de Janvier ? hasarda-t-il encore. Je suis vraiment navré, je ne pensais pas que mon père l'inviterait à se joindre à nous – je m'y serais opposé, s'il m'en avait laissé le temps ou l'occasion.

– Je ne sais pas comment vous l'expliquer, Olivier, répondit doucement Rose, la voix teintée d'une étrange détresse. Oui, c'est à cause de Janvier, mais pas pour les raisons que vous croyez. Je ne peux rien dire. Je...

Le jeune homme hocha la tête avec sérieux, respectant la volonté de ne pas s'exprimer plus franchement de son invitée.

– Tâchons de penser à autre chose ! la réconforta-t-il. À combien de temps d'ici se trouve votre maison ?

– En pirogue, facilement trois heures, grommela Rose. Et à condition de ne croiser aucun alligator. En voiture, dans les vingt minutes, je dirais. Mais il faut toujours faire attention aux alligators.

– Ah.

Olivier hocha la tête avec application, cherchant sans doute à déterminer si sa compagne tâchait de se montrer spirituelle ou si elle parlait sérieusement – auquel cas il lui faudrait se poser de cruelles questions concernant sa santé mentale.

Le trajet fut silencieux, Rose ne parvenant toujours pas à se tirer de sa transe. Elle se força certes à balbutier quelques banalités, mais le cœur n'y était pas. Et Olivier semblait s'inquiéter d'autant plus, lui qui s'était sans doute figuré qu'elle retrouverait la parole une fois éloignée de Janvier ; il sous-estimait la puissance du choc que venait de vivre sa jolie rouquine.

– Et vous, que pensez-vous du projet de votre père ? reprit soudain Rose, que la question venait de frapper en plein fouet.

Elle réalisa simultanément que cette demande était sans doute un peu cruelle, car elle forçait Olivier à se positionner, à choisir entre Donatien de Tantale, son père, sa seule famille, et elle, qui désapprouvait assez visiblement le projet de mine à ciel ouvert. Elle, simple Rose qu'il ne connaissait que depuis quelques jours, et qui l'ignorait soigneusement depuis plus d'une heure. La jeune femme se mit soudain à redouter la réponse que lui livrerait son vis-à-vis. Elle ne voulait pas le pousser à choisir.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now